ou boîte à outils pédagogique?
L’encyclopédie Wikipédia est aujourd’hui parmi les dix sites internet les plus visités. C’est la source en ligne la plus « co-pillée ». Le monde scolaire doit-il la maudire ou y voir un partenaire inattendu, à condition de l’intégrer de façon critique ?
Pour mener une recherche documentaire pertinente, il convient de référencer correctement les sources d’information sélectionnées de façon critique. Un des soucis rencontré rapidement, c’est ce site sur lequel tous les élèves tombent inévitablement et que les enseignants appelleraient volontiers leur boîte de Pandore : l’encyclopédie Wikipédia. En effet, elle engendre des attentes qui s’avèrent excessives par rapport à la réalité rencontrée. D’une encyclopédie, comme d’un atlas ou d’un dictionnaire, on attend qu’il soit un référent fiable, évoquant un savoir bien établi et rédigé dans une formulation ayant fait l’objet d’un large consensus. La notoriété de l’auteur de l’article concourt également à sa crédibilité. Or Wikipédia, c’est tout le contraire, diront ses détracteurs.
Encylopédie libre
Certes, la dynamique n’est pas celle d’une encyclopédie classique (Britannica, Universalis, Larousse…). En effet, il s’agit d’un ouvrage collaboratif ouvert auquel tous peuvent s’associer, et qui autorise les modifications en ligne à tout instant. Bien sûr, le système ouvert a été choisi pour que ces modifications permettent non seulement les corrections orthographiques parfois nécessaires, mais aussi les améliorations qui feront progresser une première contribution du statut d’« ébauche » à celle d’un « article de qualité ». Mais, il est vrai, tout troll qui le voudrait peut vandaliser l’œuvre en y introduisant son venin. Le système défend sa philosophie en disant que les vandales se fatigueront plus vite que la vigilance citoyenne, laquelle repasse sur les articles et leurs modifications et intervient, le cas échéant, jusqu’à bloquer l’accès de certains contributeurs malveillants. En effet, pour la salubrité de l’ensemble, des contributeurs généreux se sont pris de sympathie pour le projet et oeuvrent en qualité de patrouilleurs, d’arbitres, de wiki-pompiers, voire d’administrateurs . Ce service à la communauté est rendu, il est vrai, par des bénévoles dont le statut n’est pas, pour l’instant, lié à une expertise scientifique reconnue.
Etre critique
En présence de wikipédia, une démarche d’approche critique des médias doit donc évoquer cette caractéristique structurelle d’encyclopédie libre collaborative. Wikipédia n’est pas un site comme les autres. Il demande une grille d’analyse spécifique. L’article encyclopédique est rarement le travail d’un seul contributeur. Il est donc important de parcourir la page « Historique » pour prendre connaissance des différents états de rédaction que la page a connus et de ses auteurs respectifs. Etre critique sur la fiabilité d’un article de wikipédia, réclame d'apprécier la notoriété des auteurs et la capacité qu’ils ont de traiter du sujet. Certes, la page personnelle se laisse écrire et l’auteur peut-il bluffer son public. Mais il est possible de visualiser l’ensemble des contributions de tout auteur référencé et donc d’apprécier le niveau de ses apports. Par ailleurs, les critères d’admissibilité d’un article mentionnent aussi la nécessité de « sourcer » correctement ses apports : les rubriques de bas de pages, liens internes et externes, sont à ce sujet, des informations à recouper intelligemment.
Mais l’intérêt pédagogique de ce projet encyclopédique n’est-il pas alors ailleurs : dans la capacité de mettre les étudiants en statut de contributeurs plutôt que d’être des « pompeurs de contenus ». C’est dans cette dynamique d’apprentissage que l’outil wiki perd son statut de Boîte de Pandore pour devenir peut-être boîte à outils pédagogique.
Un exemple : wikiversité
J’ai fait la rencontre de Jean-Pol Martin sur le Net au détour d’un colloque virtuel sur l’apport des nouvelles technologies au processus d’enseignement à distance . Il voulait mettre en œuvre un projet avec ses élèves étudiant le Français, langue étrangère à l’université de Eischstätt-Ingolstadt en Bavière. Il exprimait la chose au travers du terme : « wissencontainer », des conteneurs de savoirs. Rompus à la méthode de travail mise au point par leur professeur, l’apprentissage par les pairs , les étudiants se voient accompagnés dans un processus de construction de savoirs énoncés dans une langue étrangère dont ils font l’apprentissage. Un projet audacieux !
Les étudiants de l’université allemande utilisent l’infrastructure de la wikiversité pour faire évoluer leur recherche et en communiquer l’état d’avancement. Chacun est inscrit à titre de contributeur et dispose ainsi d’une page auteur. Celle-ci comporte les couches habituelles associées à une page de l’encyclopédie, à savoir la page « Discuter » et la page « Historique ». Bien évidemment, l’interface comprend aussi l’onglet « Modifier », mais la déontologie veut que, contrairement aux pages « Article », seul le propriétaire de la page personnelle apporte des modifications à celle-ci. Le débat, s’il doit avoir lieu, se tient sur la page « Discuter ».
Les étudiants sont en mesure de publier en continu les diverses phases de l’élaboration de leur travail. Ils sont susceptibles aussi d’être interpellés, non seulement par le professeur, mais encore par les pairs en apprentissage ou même par la communauté mondiale des internautes.
L’outil informatique est donc l’instrument de l’apprentissage. La démarche qu’il sous-tend est celle d’une élaboration progressive de la connaissance par un travail de recherche et un exercice de formulation toujours renouvelée au contact des pairs engagés, eux aussi, dans le processus d’apprentissage. C’est donc bien l’interface et ses potentialités de publication collaborative qui sont à apprécier ici, tout autant si pas plus parfois, que le contenu qui s’élabore et demeure toujours approchant, puisque réalisé par des apprenants encore en phase de maturation de leur connaissances. Mais n’en est-il pas aussi comme cela pour chacun d’entre nous? Gros avantage des wikis, ces interfaces permettent une publication à flux continu de l’avancement des recherches de ceux qui voudraient bénéficier d’une interpellation ou d’une collaboration de leurs pairs. En ce sens, les wikis sont un plus pour la construction collaborative de savoirs.
Les wikis et plus particulièrement Wikipédia seront au centre d’un nouveau programme de formation que proposera Média Animation ASBL dans le cadre des formations en cours de carrière. Les intéressés sont invités à se faire connaître (02 256 72 32) ou à être attentifs aux propositions qui seront faites dans les catalogues IFC, FOCEF et CECAFOC, en début d’année.