Dans la gamme des réseaux sociaux,
Facebook est sans aucun doute celui qui occupe la première place, à tout
le moins en Europe. Pourtant, la rigueur critique voudrait que l’on
analyse cette réalité technologique contemporaine en évoquant les
diverses applications qui autorisent aussi d’autres usages que la seule
plate-forme de Mark Zuckerberg. Parmi celles-ci, Twitter est d’un genre
particulier créant entre ses utilisateurs un rapport si ténu et dense à
la fois que nous le comparons volontiers à un cordon ombilical.
Twitter est sorti de l’anonymat quand des événements liés à
l’actualité ont été portés à la connaissance des journalistes par des
citoyens reporters amateurs qui ne disposaient plus que de cette voie
pour diffuser au monde entier le caractère dramatique de ce qui se
passait dans leur pays. Notamment lorsque, dans certains états, les
canaux habituels de transmission furent jugulés par un pouvoir en place
désireux de neutraliser toute communication vers l’étranger.
First of all
Le premier cas d’école mentionné dans la littérature est la prise d’otages de Mumbai [1]
de novembre 2008. On le sait, toute forme d’attentat est, par nature,
fortuite. Aucun média ne peut prévoir pareils événements. Et souvent
alors, dépêcher des correspondants sur place n’est pas chose aisée : il
est fréquent qu’on arrive trop tard, même quand il s’agit de
journalistes d’agences internationales ayant des sections locales
proches du terrain des événements. Et puis, une fois arrivés sur les
lieux, les journalistes sont tenus à l’écart, pour des raisons de
sécurité bien compréhensibles. Aussi, les témoins directs, parfois
ceux-là mêmes qui sont au cœur de l’événement [2],
constituent-ils une ressource intéressante, surtout s’ils prennent
résolument le parti de collaborer avec les médias. Encore faut-il savoir
intégrer ces ressources de façon pertinente : être en mesure de
« produire une info plus pertinente par rapport aux attentes des
lecteurs : hyper réactive, moins conventionnelle dans ses choix, plus
"live", plus libre, avec plus de ton, de conversation, beaucoup
d’émotion. » affirme Benoît Raphaël [3].
Twitter réseau et moteur
Lors des événements que l’on retiendra sous le terme « Révolution de
jasmin » et qui se sont déroulés dans tout le nord de l’Afrique, durant
le début de 2011 (Tunisie, Egypte et ensuite Lybie), on a beaucoup parlé
de Facebook et des pages thématiques qui ont été créées [4]
pour manifester de façon virtuelle et faire circuler des informations
relatives à l’organisation des mouvements de contestation du pouvoir en
place. C’est aussi par cette voie que, lors des événements qui suivirent
le tsunami au Japon, les ressortissants étrangers communiquèrent entre
eux de la sorte, pour estimer les raisons éventuelles d’un rapatriement
d’urgence. Or il faut bien l’identifier, Facebook est d’abord un réseau
qui prolonge les relations de toujours. Le bouche à oreille qui s’y
développe passe d’abord par les amis des amis… que l’on a déjà dans la
vie réelle. Et cela marche, bien sûr. Twitter en comparaison, tel un
moteur de recherche de type Google, Yahoo…, joue plus la carte des
mots-clés et permet une identification aisée de nouveaux contacts en
lien avec une problématique définie. Qui plus est, conçu dans la veine
des outils web 2.0., il permet la localisation des infos en lien avec
une thématique par l’usage de tags produits par les utilisateurs
eux-mêmes (pour Twitter, on parle de #hashtag). Si bien sûr, ce réseau
social est centré sur les personnes, il n’en demeure pas moins d’abord
une opportunité d’échanges de contenus spécifiques entre amateurs
experts d’une thématique.
Gazouilli versus statut
Quel est donc le mode de fonctionnement du réseau au petit oiseau
bleu ? Continuons un instant la comparaison entamée avec Facebook, pour
signaler à ceux qui sont déjà utilisateurs du réseau de Mark Zuckerberg
que Twitter, c’est l’équivalent de la fonctionnalité « Exprimez-vous »
affichée au sommet de votre mur de profil. Mais, à la différence de
Facebook qui vous laisse écrire jusqu’à 420 caractères et vous permet un
lien attaché ou un fichier en pièce jointe, Twitter limite son contenu à
140 caractères sans plus. Au vu de cela, certains diront que ce
blogging est tellement micro… qu’il est l’équivalent d’un post it… ou
d’un SMS (160 caractères, lui) publié en ligne. Et peut-être
concluront-ils un peu rapidement à son inutilité ? « Micro-blogging »,
voilà en effet ce qui le définit le mieux le gazouilleur. Dira-t-on
alors que Facebook est plus performant que Twitter ? Ce serait oublier
la dimension « moteur de recherche » de ce dernier et tenter de comparer
des poires et de pommes. Car, ceux qui se constituent en réseau avec
l’outil Twitter sont d’abord des internautes qui s’identifient en
rapport avec des thématiques précises. La recherche des correspondants
intéressants peut se faire via la plate-forme Twitter elle-même, bien
sûr. Dès la page d’accueil, on a accès à un onglet « Find people ». Mais
il s’agit bien alors de fouiller la base de données des utilisateurs,
via leur nom et prénom. Soit donc que l’on connaît déjà la personne que
l’on cherche à joindre, soit qu’on l’a identifiée sur le net à travers
d’autres contributions (site, blog, forum…) et que l’on vérifie si elle
gazouille aussi. En l’occurrence, on cherche donc des individus.
Réseau ET moteur
Mais il arrive aussi, comme dans Facebook, que des profils
utilisateurs soient en fait créés au bénéfice de personnes morales (des
entreprises et sociétés, des associations, des thèmes aussi). Exemple :
Europeécologie [5].
Il y a bien un éditeur responsable de cette page, et qui publiera de
l’info en lien avec cette préoccupation… mais ce profil est sans doute
créé d’abord plus pour fédérer des passionnés, voire des experts, autour
d’une thématique que pour être la page d’expression d’un individu caché
derrière un pseudo. En effet, en identifiant « Europeécologie », je
peux découvrir qui sont les abonnés à cette page de publication. Des
gens qui lisent sur le sujet… mais peut-être aussi des internautes qui
proposent du contenu sur leur propre page. De plus, quand ils
s’inscrivent comme followers de la page, ils enregistrent celle-ci au
sein de listes thématiques qui comportent donc d’autres ressources sur
le même thème. Une voie royale pour l’identification de nouveaux
contacts à inscrire dans mon réseau. Le principe au cœur des réseaux :
« les amis de mes amis sont susceptibles d’être aussi mes amis » est ici
aussi au cœur du processus. A la différence qu’il ne s’agit pas
simplement de partager son carnet d’adresses et de faire du chiffre en
matière de contacts, mais bien d’identifier des gens motivés, à tout le
moins demandeurs d’infos, mais peut-être aussi fournisseurs d’infos dans
le domaine qui m’intéresse. La finalité, c’est donc bien le contenu,
les échanges. Qu’on le comprenne bien, donc… au delà de la centration
sur les individus, il y a la possibilité de solliciter la base de
données Twitter par le moteur de recherche associé : Twittersearch [6] pour identifier les profils experts, lesquels deviennent rapidement des leaders d’opinions sur un sujet particulier.
La page d’accueil de Twittersearch se présente avec une zone de
dialogue centrale comme tous les moteurs en ligne. La recherche
s’effectue alors par mots-clés et non plus sur des individus. Cette
seconde procédure de recherche est classique et bien connue des
internautes du Web 1.0. Pourtant, il faut aussi apprécier toute la
dimension 2.0. de l’outil en apprenant à se servir des #hashtags.
#mot-clé (lisez hashtag)
Non, il ne s’agit pas d’une religion ésotérique, pas plus que d’une
nouvelle secte qui prônerait la consommation d’on-ne-sait quel
hash…ich ! Les utilisateurs de #hashtags sont ceux qui balisent leurs
gazouillis par l’adjonction de mots-clés (tags), de sorte à fédérer les
conversations et les utilisateurs autour de thématiques ciblées.
Votre pratique de Twitter se développant, vous remarquerez que les messages postés par ceux que vous suivez [7]
sont, non seulement des messages originaux, mais aussi parfois ce que
l’on appelle des tweets de redirection ou de répétition. Ces posts de
second rang, s’ils sont correctement publiés, sont reconnaissables par
le fait qu’ils commencent par « RT », un indice que l’on fait
généralement suivre du nom d’utilisateur dont on reproduit une
intervention (Il y a d’ailleurs un bouton qui automatise désormais cette
fonction). Exemple : RT @mediacteur. Cela permet à vos « suiveurs » de
remonter à la source de l’information, s’ils le désirent, tout en
avertissant l’intéressé que vous le republiez (chaque internaute dispose
d’un onglet sur sa page profil, grâce auquel il peut savoir lesquels de
ses tweets ont été republiés, et par qui). Et pour vous donc, c’est une
manière de citer vos sources. Le « RT » n’est donc pas à confondre avec
le Re @nomdutilisateur qui signifie bien que l’on répond de façon
personnelle à tel ou tel… même si –et surtout si- le message ainsi posté
reste lisible par tous les abonnés à votre fil de gazouillis. On sent
bien à travers ces usages le soutien de la technologie à la dimension
communautaire. Tout est fait pour partager largement.
Et les #hashtags ? Dans la syntaxe des twittos [8],
s’est rapidement glissée une pratique pas encore très généralisée, mais
déjà très intéressante tout de même : l’insertion de mots-clés. Tout
terme précédé d’un « dièse » va automatiquement générer une page twitter
spécifique. Tous les gazouillis qui intégreront ce #hashtags seront
donc doublement publiés : à la fois dans le fil de conversation de leur
auteur (et par voie de conséquence, dans ceux de tous ses abonnés) mais
aussi dans cette page thématique.
Exemple : https://twitter.com/#search?q=%23educationauxmedias.
Comme on le remarque dans l’URL de cette page, nous sommes en présence,
non d’un profil d’utilisateur, mais bien d’une page résultat d’une
recherche opérée par « Search Twitter », le moteur associé à la
plate-forme Twitter. Il y a donc une différence entre une page créée par
l’usage d’un #hashtag et une page d’utilisateur qui aurait été créée en
personnalisant, telle un personne morale, une notion, un événement ou
une réalité. Vous pouvez ainsi comparer https://twitter.com/#search ?q=%23iranelection, la page qui compile toutes les interventions tagguée « #IranElection » et la page https://twitter.com/iranelection
qui a été créée au bénéfice d’une personne (une seule) qui a choisi ce
pseudonyme pour développer une ligne éditoriale ciblée sur cette
problématique.
Twitter api
Concrètement, l’usage des #hashtags permet donc non seulement de
baliser une thématique dans la masse des gazouillis qui s’expriment,
mais aussi de rassembler les intéressés par la problématique sur une
page unique. Une Twitter api [9]
a d’ailleurs été créée pour vous faciliter la localisation des pages
dédiées à des tags : Tweetchat. Une fois abonné à celle-ci, vous pouvez
par son intermédiaire interroger la base de données Twitter pour être
redirigée vers la chat room correspondante. Mais attention, tout message
que vous posterez dans cette chat room sera également posté dans votre
fil de gazouillis et vos abonnés en seront automatiquement avertis. Ne
croyez donc pas que vous ne vous adressez qu’aux abonnés lecteurs de la
page thématique. Twubs (voir : http://twubs.com)
est un autre moteur de recherche des #hashtags existant. Histoire de ne
pas ouvrir la même thématique sous un autre terme, un synonyme ou un
pluriel. Au risque sinon de développer une confusion de tags sur un seul
thème. Exemple lors de la mort de Michaël Jackson, on retrouvait :
#michaeljackson, #Michael, #michael, #MICHAEL, #Jackson, #RIPMJ, #MJ et
même #moonwalk.
Tweetchat n’est pas la seule Twitter api à s’intéresser aux #hashtags. En effet, un site internet logé à l’adresse : http://www.hashtags.org
permet de suivre la popularité des hashtags en temps réel. Pas étonnant
alors que Twitter devienne un espace d’investigation hautement
fréquenté par les journalistes. Que ce soit pour lever une info ou pour
en rechercher les témoins directs, de plus en plus, les médias se
branchent sur la toile, avec l’impérative nécessité ensuite, non
seulement de recouper leurs sources, mais d’en identifier les auteurs et
d’établir le degré de fiabilité de ces derniers.
Sur un thème donné, on peut aussi faire des « recherches
complémentaires de niveau deux ». Il existe en effet des applications
qui tracent les publications des utilisateurs de Twitter et qui
traitent celles-ci selon l’un ou l’autre angle d’attaque. Ainsi
Trendistic [10]
qui produit des statistiques de fréquence des hashtags. Ce site se
révèle très intéressant pour identifier des tendances. Quel est le sujet
à la une pour l’instant ? Le 14 mars 2011, c’est forcément les #japan,
#tsunami, #prayforjapan et autres #fukushima ou # sendai qui sont en
tête. Twitter permet de visualiser cela dans une partie de l’écran (les
chiffres sont soit mondiaux, soit identifiés au départ de quelques pays
ou états des USA), mais le site Trendistic donne, lui, des tableaux
statistiques à grand renfort de courbes étalées sur 30 – 7 ou 1 jour.
Les courbes donnant bien sûr accès aux flux de tweets publiés… Derrière
la synthèse à la question « Quel sujet à la une en ce moment ? »,
accessibilité donc aux profils des personnes concernées… Une base de
rencontre et d’identification des intervenants experts sur le sujet que
vous voudriez creuser.
Pourtant pas un jouet
Le jugement le plus commun sur « les réseaux sociaux » s’appuie sur
la vision souvent caricaturale que l’on a du seul Facebook. Perception à
l’emporte-pièce que s’autorisent même aussi ceux qui n’y sont pas
inscrits ! « Les réseaux sociaux, c’est du voyeurisme doublé
d’exhibitionnisme, une fameuse perte de temps. Pire, un piège pour tous
les naïfs qui y déversent des infos privées sans imaginer l’exploitation
éhontée que l’on pourra faire ensuite de celles-ci ! » Une condamnation
sans appel qui loge à la même adresse ceux qui découvrent l’outil sans
avoir de finalité avouée… et les chevronnés aux usages avancés… y
compris dans le contexte professionnel. A nouveau, nous laisserons
Facebook de côté pour nous intéresser à l’outil Twitter.
Le caractère austère de l’interface et du fonctionnement (pour rappel :
maximum 140 caractères par message, sans lien ni fichier annexé) atténue
les effets gadgets qui pourraient donner à penser que le réseau est
d’abord conçu pour s’amuser entre amis. Certes, on peut se contenter de
converser de façon anodine avec un cercle de proches… mais très vite
sans doute, va-t-on se lasser de cette mise en ligne de communication de
services type : « Je prends une pause de 5 min et me verse un café ! ».
Car assez rapidement, on va comprendre que la dimension Web 2.0. de cet
outil alimentera de façon bien plus pertinente l’échange (gratuit)
d’informations de première main, et à haute valeur ajoutée). Un usage
très apprécié dans le monde du travail. Si l’on reproche souvent aux
réseaux sociaux d’être grands consommateurs de temps, on constatera à
l’usage qu’ils sont aussi une stratégie pour en gagner énormément… En
fait, à partir du moment où l’identification des bonnes personnes
expertes dans votre domaine de veille est bien menél le temps consacré
est un investissement. Echanger des infos via Twitter, c’est alimenter
une base de données dont tous les contributeurs peuvent ensuite être
bénéficiaires. Aussi, la recherche « d’infos chaudes » se fait-elle
aujourd’hui bien mieux par cette voie qu’en utilisant les moteurs de
recherche classiques. Beaucoup d’internautes chevronnés préfèrent
aujourd’hui ces infos poussées (push) par une communauté d’experts que
les résultats publiés par un logiciel de localisation (pull) qui ne dit
rien de ses critères de sélection et de classement. D’autant que lesdits
moteurs ne peuvent mentionner des infos qu’une fois celles-ci
localisées et engrangées. Ce qui demande parfois plusieurs semaines. Or
avec les outils du web 2.0., les diffuseurs d’infos peuvent coupler la
mise en ligne de leurs nouveaux messages (gérée de plus en plus par flux
Rss) avec leur plate-forme Twitter. Publier sur son blog peut générer
l’instant d’après un tweet, lequel sera suivi par nombre de Followers,
lesquels pourront le re-tweeter à leur tour, s’ils valident le sérieux
de l’info. On comprendra alors que publier de l’info sur le net
aujourd’hui ne se concrétise plus uniquement par la tenue d’un site
internet, mais par une présence active au cœur des réseaux sociaux,
qu’il s’agisse de Facebook pour être là où tout le monde est… (quitte à y
noyer son info dans un magma indifférencié –hélas), mais aussi dans des
réseaux experts comme Twitter qui ont pour vocation de cibler un public
attentif au creux d’une ligne éditoriale clairement définie.
Mur de tweets en direct
Une autre circonstance dans laquelle Twitter (aidée en cela par les
hashtags) semble bien se développer, c’est le compte-rendu, en ligne en
temps réel, d’un événement auquel vous participez et duquel vous voulez
faire bénéficier tous vos abonnés. Vous organisez un événement et tous
ne peuvent y participer ? Rendez visible sur le net le contenu commenté
de ce qui se passe par un fil Twitter dédié. Utilisez pour cela un
hashtag spécifique du genre #mon_evenement. De plus en plus de colloques
et conférences [11]
se servent de cet usage « en temps réel » dans l’auditoire, et aussi
pour permettre des interactions entre les participants et avec le
conférencier ou les membres de la table ronde. Dans ce cas, il arrive
que l’on prévoit la projection grand écran des réactions des
participants pendant que les experts s’expriment [12]. C’est cette intuition que cherche même à développer un enseignant [13]
qui tente ainsi de contrecarrer la distraction chronique de ses élèves
qui surfent distraitement pendant la classe (où les ordis portables sont
autorisés sans que le prof ne puisse être présent à tout ce qui
s’affiche à l’écran et qui n’est pas toujours en rapport avec la leçon).
Pendant qu’il anime son cours, il invite ses étudiants équipés de
portable à dialoguer entre eux (sur ce que le cours évoque, bien sûr) ou
à faire des recherches dont ils publient en temps réel les résultats
pour toute la classe, sur grand écran.
Cordon vital
La comparaison entre les réseaux prend souvent aujourd’hui la
tournure d’une mise en demeure radicale. Par exemple : « Si vous deviez
opter entre Facebook et Twitter, que choisiriez-vous ? ». Dans le
domaine des loisirs, il semble évident que le premier ouvre une série
d’usages des plus intéressants. A condition de bien gérer ses niveaux de
confidentialités, la publication d’infos (nouvelles, photos et vidéos,
événements…) entre relations de proximité via Facebook semble en
ressortir optimisée. Et donc y renoncer pour ceux qui y ont goûté est
sans aucun doute un effort de taille. Mais s’il s’agit de se construire
un réseau expert qui vous conseillera sur une thématique spécifique
(qu’elle soit professionnelle ou de loisirs, peu importe, finalement),
Twitter apparaît comme un outil de loin supérieur. Parler ici d’un
cordon ombilical tient au fait que les contacts identifiés deviennent,
au fil du temps, des partenaires auxquels vous êtes reliés par un flux
d’excellence. Y renoncer relèverait alors plus d’une panne de service.
Les entreprises ne s’y trompent pas ! Elles ont compris que les
internautes aguerris passent désormais plus volontiers par les réseaux
sociaux pour faire circuler de l’info tagguée porteuse d’appréciation
personnalisée… une réalité augmentée dont on est de plus en plus friand.
C’est Alain Gerlache [14]
qui relayait dès lors ce fait divers qui pourrait bien vite se muer en
phénomène de société : le client d’un tea-room tweet en direct son
insatisfaction à attendre longuement sa commande alors que d’autres
clients arrivés après lui sont servis en priorité. Le post est identifié
en temps réel par la chaîne horeca qui suit tout ce qui se publie avec
les tags liés à sa marque. Le client n’est pas encore dehors que le
garçon de café est déjà informé de sa méconduite et remis à sa place par
son supérieur.
Buzz, rumeur et pensée unique
Reste qu’un problème peut malgré tout infester la tweet attitude. Une
fois la liste de « following » installée (même si cette opération n’est
jamais acquise de façon définitive, bien sûr), il n’est pas impensable
que certains utilisateurs du réseau social se confortent dans une
position de suiveurs, déléguant par le fait même le leadership à
quelques uns…devenus de ce fait de vrais gourous. Il n’est pas toujours
aisé d’identifier sur quels critères ces « leaders d’opinions » émergent
dans la communauté mondiale, mais c’est un fait dont vous pourrez
aisément vous rendre compte. Pour ce faire, prenez une thématique que
vous connaissez bien, identifiez quelques pointures éditoriales et
analysez la liste de leurs followers. Passez ensuite à la liste des
followers de ceux-là et vous verrez qu’ils se nourrissent aux mêmes
adresses… Pour être ramifié largement, le réseau Twitter est malgré tout
d’abord constitué en marguerites [15].
En soi, la chose n’est pas négative, bien au contraire, puisque cela
augmente la capacité des membres du réseau de se connecter à la source
d’une info (on parle alors de centralité d’intermédiarité). Mais le
risque bien réel est alors qu’une information soit largement diffusée
(et donc plébiscitée) du fait que tous ceux qui la relayent le font à
partir d’une source unique. C’est le phénomène du buzz, le bruit fait
autour d’une info… une stratégie moderne de communication qui fonctionne
sur le principe qu’il est bon de parler de telle ou telle chose pour
manifester son caractère branché. Le phénomène était déjà présent dans
les conversations échangées sur la plate-forme du train… A l’heure
d’internet, le bruit s’est amplifié. Buzzer n’est pas en soi
répréhensible… C’est un choix comportemental de l’ordre de la mondanité.
Ce qui est plus délicat, c’est quand les propos relayent une info qui
n’a pas été vérifiée et que sa transmission s’apparente plus à la
rumeur. Mais le réseau social (on parle ici de Twitter) qui peut
provoquer assez facilement ce travers contient en lui-même son antidote
puisque le fait d’être facilement en contact direct avec la source de
l’information que l’on re-tweet avec tant de facilité permet aussi de
recouper cette info et/ou de soumettre son producteur à l’examen
critique. On constatera donc une fois de plus que ce n’est pas le média,
la technologie qui est à suspecter, mais plutôt l’usage qui en est
fait. Un grand classique de l’analyse critique des médias de
communication.
Michel BERHIN
Mars 2011.
[1] Mumbay-Bombay : http://www.lanetscouade.com/content/twitter-et-le-nouveau-journalisme-participatif
[2] Les partisans de Mir Hossein Moussavi ont abondamment relayé les émeutes iraniennes lors des élections de 2009.
[3] Rédacteur en chef du post.fr, site d’info expérimental grand public lancé par Le Monde interactif. Lire : http://benoit-raphael.blogspot.com/2008/11/mumbai-bombay-congrs-du-ps-twitter-le.html
[4] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/02/04/la-bataille-pour-l-egypte-se-joue-aussi-sur-facebook_1475434_3218.html et aussi : http://innovationcreationcommerce.blog.tdg.ch/archive/2011/02/09/egypte-sa-page-facebook-fait-de-lui-un-heros-de-la-revolutio.html
[5] http://twitter.com/# !/europeecologie
[6] http:// search.twitter.com/
[7]
Si des utilisateurs (Followers) se sont abonnés à votre fil de
gazouillis, vous en avez sans doute fait autant avec d’autres usagers
qui sont appelés vos « Following ».
[8] Les utilisateurs contributeurs au sein de Twitter
[9]
Une application généralement développée par un concepteur indépendant,
du fait que nous sommes en l’occurrence dans le monde du « libre », les
codes fondateurs de Twitter étant accessibles aux développeurs désireux
d’enrichir l’outil de nouvelles fonctionnalités.
[10] http://trendistic.com/
[11] Un exemple récent qu’il m’a été donné de suivre est celui de #webcamp
[12] Un exemple récent avec #Ludovia. Voir aussi http://twitter.com/# !/ludovia2011
[13] Howard Rheingold, l’auteur des Foules intelligentes, dans un récent billet
évoque son métier de professeur à l’heure des téléphones et des
ordinateurs connectés. Non par pour dénoncer l’inattention de ses élèves
- “une salle pleine de gens qui ne sont pas en train de me regarder ou
de se regarder, mais qui semblent être hypnotisés par quelque chose sur
leur écran d’ordinateur” - et leur propension à accomplir plusieurs
tâches à la fois, mais pour interroger les méthodes d’enseignement à
l’heure des ordinateurs connectés, dont Howard Rheingold encourage
l’utilisation en cours. Comment les utiliser et à la fois prêter
attention au professeur et veiller à ce que les étudiants ne sortent pas
du cours via les écrans ?
[14] http://alaingerlache.be/post/3617111117/le-cappuccino-le-tweet-et-le-licenciement
[15] Les spécialistes des réseaux parlent de « centralité de degré ». Voir notamment : http://www.google.be/search?q=centralit%C3%A9+de+degr%C3%A9&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:fr:official&client=firefox-a