Home / Socra - tic - ment vôtre

Socra - tic - ment vôtre


Je ne peux apprendre que SI JE ME POSE DES QUESTIONS

 

Toujours intéressantes, ces conversations de table en famille, quand les propos dévient vers la question des « Nouvelles technologies » et que je reçois de mes proches une volée de questions issues des pratiques de terrain. Ils sont tous pareils, et me décrivent en cela ce qui se passe aussi dans la vie des profs que je côtoie en formation mais qui ne sont pas toujours enclin, eux,s à partager si platement leurs maladresses parfois et leurs questionnements.

 

Belle dernière journée de vacances, hier qui rassemblait autour d’un pique-nique familial, quelques adultes, utilisateurs par ailleurs des nouvelles technologies. Mais des adultes issus de la génération des mutants… celle qui, comme moi, a dû s’ouvrir à l’émergence des technologies alors qu’elle était née (et donc très à l’aise) avec la technologie du livre. En cela, la conversation était très différente de celle que j’ai avec mes enfants et beaux-enfants… où c’est souvent moi qui en apprend de leurs usages façon « Digital natives » !

 

Hier, c’est tout juste si la liste des questions n’avait pas été mise par écrit pour me soumettre à un tir en règle à l’heure du pousse-café (fallait quand même pas plomber l’ambiance du repas par ces questions techniques… mais ne pas non plus laisser repartir le (beau)frère sans avoir eu ses apaisements ou reçu l’un ou l’autre trucs pour se sortir d’embarras).

 

Des problèmes techniques, bien sûr

Ce qui avait la priorité, ce sont bien sûr les soucis techniques. Le départ de la conversation : un téléchargement foireux qui avait eu pour résultat de planter tous les raccourcis d’application et surtout, conséquence plus grave… d’effacer tous les favoris du navigateur de l’utilisatrice du poste en usage partagé ! Des années de compilation de bonnes pages identifiées sur Internet qui s’étaient envolées à tout jamais (fort probablement… mais il ne faut jamais dire jamais !). « Tu ne te rends pas compte de ce que cela représente ! Moi, je mets tout là-dedans ! » Et d’évoquer alors (et je ne fus pas en reste d’illustrations personnelles) d’autres situations de perte de données fondamentales compilées années après années (ah, bien sûr… les photos de famille, le sujet sensible) et qui ne faisaient l’objet d’aucun back up ! Les accidents, c’est toujours pour les autres… jusqu’au jour où cela vous arrive. Ce risque de plantage machine, qu’il soit le résultat d’une invasion malveillante (virus) ou non… c’est sans doute le risque numéro un dans l’esprit des jeunes aujourd’hui. Ils n’ont pas trop de crainte dans leurs pratiques ouvertes en ligne… mais les défaillances machine qui plantent le système… pour eux, c’est le pire à craindre. Car c’est souvent radical et cela engendre des frais financiers auxquels ils ne sont pas en mesure de donner parfois la réponse, sans solliciter le porte feuilles de papa et maman. Les limites machine, c’est aussi cela qui fait peur aux enseignants, lesquels n’aiment pas « entrer en technologie » sans l’assurance que tout fonctionnera et qu’ils maîtriseront la situation (technique).

 

Alors certes, il y a des réponses techniques pour s’assurer un plus grand confort et un moindre risque, mais avant tout, ce que profs tout autant que mes frères et belles-sœurs avaient besoin hier, c’est de comprendre en quoi ils ont été en défaut de posture dans cet univers où, malgré tout alors qu’ils ne sont pas formés, ils prétendent –et ils ont raison- faire des usages abondants de cette avancée technique.

 

Côté solution technique, aborder la notion de « Cloud computing » était naturellement prioritaire. Citer des produits et des services en ligne aussi ! Il fallait bien être concret. Mais la réflexion fut pourtant essentiellement tournée vers la signification de ce que représentait la perte des renseignements stockés en une seule place. C’était l’occasion de mettre en avant et de conscientiser chacun de la place qu’à pris aujourd’hui la dimension réseau dans nos vies. Et je dis « réseau » pour ne pas laisser entendre seulement la dimension « informatique ». Car à côté des anecdotes liées à la technique (il y en eut d’autres) les agacements et les accidents évoqués furent surtout liés à la dimension sociale des technologies de communication.

 

Des problèmes virtuels très… humains

Facebook, bien sûr, en tête des difficultés à gérer sa présence en ligne, la divulgation contrôlée des éléments de vie privée et pourtant aussi, positivement, le partage en réseau de données intéressantes.

 

Car c’est clair, toutes ces situations évoquées avec leurs risques de pannes ou de dérapages plus ou moins contrôlés, le furent au détour d’usages intéressants dopés dans leur efficacité par les technologies modernes de l’informatique et des réseaux.

 

Aucun, autour de la table, ne refuse les usages machinés… Tous ont plongé il y a un moment déjà. Mais presque tous déplorent leurs méconnaissances des règles du jeu… Oui, bien sûr, identifier l’existence de tel ou tel outil pour faire ceci ou cela…et connaître leurs modes d’emploi … mais surtout nourrir une réflexion plus globalisante sur « ce qui se passe quand on les utilise ». L’éternelle question de l’Education AUX médias en sus de l’apprentissage des modes d’emploi techniques.

 

Mes beaufs et mes profs forment une même grande famille. Ils utilisent à titre perso, bon an mal an, les technologies d’aujourd’hui. Ils ont bien compris que c’est un « net avantage[1] ». Mais à l’usage, ils se rendent compte qu’il faut prendre de la distance, sortir le nez du guidon pour observer ce qui se passe. Mais le constat est bien là… pour apprendre, il faut pratiquer. Beaucoup pratiquer. Et commettre, parfois voire souvent, des erreurs ! C’est vrai pour tous les apprenants… même quand ils sont adultes.

 

- Des années de favoris patiemment compilés perdus en un instant, tu ne te rends pas compte ! Et tu me dis que c’est définitif ? (Risque de déception ultime… que va dire le formateur de la famille ?)

- Sans doute « oui » ! (petit silence) Mais il est où le (vrai) problème ? Et c’est quoi le début de la solution ?

 

Les pratiques de sécurisation (back up et autres…), tous en connaissaient l’existence. Et ce n’est qu’une demi-vérité de dire que le problème résidait dans la conviction naïve de croire que « l’accident, c’est toujours pour les autres ». La raison plus fondamentale, c’est que trop souvent, on ne SE pose pas de question. On en pose peut-être à d’autres… aux spécialistes qui sont de fait en mesure de donner un éclairage compétent. Mais ces avis experts restent la plupart du temps des réponses extérieures à des problèmes théoriques qui ne sont pas notre vécu. Ce n’est pas soi qui est en questionnement. Dès lors, la réponse n’alimente pas une situation personnelle de remise en question. A ce moment, sans doute que l’on ne fait qu’entendre l’expression d’une solution. Mais cela ne touche pas.

 

Apprendre passe sans doute d’abord par la mobilisation personnelle. Construire de nouvelles représentations et fonder ensuite de nouveaux usages réclament sans doute, si pas de s’être cassé la figure, d’avoir au moins un doute, de souhaiter se forger un autre avis que ce que l’on pense ou que l’on sait déjà…

 

Apprendre commence sans doute alors par cette phrase « Je ME demande si… ». Un questionnement qui m’invite à constater que la réponse est donc EN MOI… quitte à ce que d’autres m’éclairent sur la réponse qu’ils se sont forgée et qui leur permet de plus ou moins bien solutionner leur questionnement.

 

Le pique-nique a repris sa conversation insouciante après que quelques noms d’outils et de services en ligne aient été jetés sur le papier, à charge pour chacun de prospecter sur le fonctionnement de ceux-ci. Mais une chose est sûre, le débat a renvoyé chacun à sa posture personnelle : « Qu’est-ce que je recherche et qu’est-ce que je ne veux pas dans mes usages technologiques contemporains ? Compte tenu du fonctionnement de ces outils, quelles stratégies vigilantes je mets en place pour m’observer de façon un peu critique dans ce que j’entreprends ? ».

 

Mon espoir au bout du compte, c’est d’avoir éveillé à la perception que la solution n’est pas que dans le choix du bon outil ou dans sa manipulation experte, mais aussi et d’abord dans mon interrogation sur moi-même, ma remise en question et mon envie de progresser dans ma lucidité. Formateur, cela me rappelle inévitablement la méthode socra-tic… [2]

 

Alors... à Ludovia ? Oui... mais pas d'abord pour y découvrir de nouveaux outils et de nouvelles procédures technopédagogiquement performantes (encore que c'est toujours utile)... mais, comme le dit Jacques Cool (voir ici) pour en revenir à la pédagogie et personnellement donc... pour me poser beaucoup de questions sur mon métier et sur l'accompagnement que je peux apporter aux apprenants que je côtoie en situation d'apprendre.



[1] Non, je ne me lasse pas de ce jeu de mot facile !

[2] Socra-TIC et Freine-TIC… deux must parmi mes choix pédagogiques


    Post a comment

    Your Name or E-mail ID (mandatory)

     

    Note: Your comment will be published after approval of the owner.




     RSS of this page

    Le portfolio d'un formateur en Education aux Médias