«Ne pas prendre en compte l’avis de la moitié de l’humanité, c’est gifler Dieu en pleine figure», estime Janice Sevre-Duszynska. Elle a été excommuniée après son ordination non officielle par une femme évêque, il y a quelques années. Cette Américaine qualifie de «plaisanterie» le fait que seuls des hommes élisent le futur pape. Mme  Sevre-Duszynska a été brièvement interpellée par la police alors qu’elle manifestait sur la place Saint-Pierre vêtue de son aube couleur ivoire et d’une étole verte brodée. Lorsque s’élèvera la fumée blanche annonçant l’élection du futur pape, elle veut allumer des fumigènes roses pour rappeler la piètre condition des femmes au sein de l’Église.

Pour Erin Saiz Hanna, qui dirige la Conférence pour l’ordination des femmes basée à Wahsington, «le conclave actuel reste un club de vieux garçons». «Les décisions du Vatican affectent un grand nombre de femmes à travers la planète. Il est temps qu’ils acceptent d’engager le dialogue avec nous et nous laissent parler», dit-elle.

L’ordination des femmes reste taboue

D’aucuns espèrent que le successeur de Benoît XVI ouvrira le dialogue sur le rôle des femmes dans l’Église, voire affrontera la question délicate de l’ordination des femmes. Mais selon les vaticanistes, aucun des 115 cardinaux électeurs et papes potentiels n’est susceptible de remettre en cause l’interdiction aux femmes d’être prêtres, bien que celle-ci n’ait pas de «justification théologique solide», selon le vaticaniste Bruno Bartoloni. «Le seul prétexte est que tous les apôtres de Jésus-Christ étaient des hommes, mais cela correspond au contexte socioculturel de l’époque», dit-il, relevant que des femmes sont ordonnées dans les autres religions chrétiennes -protestants, anglicans-. Il voit plutôt dans cette exclusion «un machisme qui marque l’Église depuis toujours», avec l’image d’Eve, «la femme tentatrice qui se laisse récupérer par le Diable».

Pas question a fortiori de femme pape.

Et pourtant, selon la théologienne Cristiana Simonelli, les femmes ne pourraient qu’aider l’Église aujourd’hui confrontée à des scandales de toutes sortes, des abus pédophiles aux accusations de fraude et corruption. «Nous avons besoin de réformes structurelles. Les femmes peuvent aider à apporter une plus grande transparence», estime la théologienne, pour qui «le fait que les femmes soient exclues rend encore plus difficile pour l’Église des thèmes comme la sexualité ou les violences sexuelles», dit-elle.

Au sein du Vatican, environ 20 % des employés sont des femmes -secrétaires, restauratrices d’œuvres d’art, archéologues, journalistes… – et elles perçoivent le même salaire que leurs collègues masculins, selon Gudrun Sailer, auteur d’un livre sur les femmes au Vatican.

Sous le règne de Joseph Ratzinger, le quotidien du Vatican, l’Osservatore romano, a lancé un supplément féminin mensuel baptisé «Femmes, Église, Monde». Selon Lucetta Scaraffia, plume de ce journal, il permet de débattre du rôle non reconnu des femmes au sein de l’Église catholique. Insuffisant aux yeux de Janice Sevre-Duszynska ou Erin Saiz Hanna.