Petit cybertraité
des grandes vertus
Si l'Internet s'offre à nous par l'interface d'un écran
d'ordinateur, n'oublions pas que, la plupart du temps, nous sommes en communication
avec d'autres humains. Il est fondamental, sous peine d'endurer les pires
foudres, de faire preuve d'un certain savoir-vivre dans nos interventions
en ligne.
Sur Internet, tout autant que dans nos rapports au quotidien, il y a
lieu d'admettre qu'un comportement citoyen passe par la reconnaissance de
certaines règles de vie en commun. Certains auteurs, internautes
de longue date, s'efforcent aujourd'hui de systématiser ce qui deviendra
peut-être un jour, un petit cybertraité de la bienséance
(1). En effet, si le cyberespace n'est la propriété de personne,
il n'en demeure pas pour autant être un lieu de rencontre. A défaut
d'avoir ses règles, il risquerait très vite de se transformer
en un champ de foire. C'est que la vie en communauté requiert un
minimum d'harmonisation, d'autant que la dimension technologique entre,
pour une bonne part, dans la structuration des messages.
Typologie
La communication sur les réseaux peut s'envisager selon divers
schémas : entre correspondants isolés, de personnes à
groupes, voire, de groupes à groupes. Les échanges mettront
en présence, selon les cas, des personnes qui se connaissent ou des
intervenants nouveaux venus. Selon les technologies et les usages choisis,
les relations s'établiront en temps réel ou en différé.
Autant de situations qui génèrent leurs règles propres.
Comment se comporter pour satisfaire à la bienséance ?
Courtoisie
Une première règle consiste à ne pas oublier que,
par l'entremise de nos écrans, nous communiquons entre humains. Il
ne faut donc pas se permettre ce que l'on ne s'autoriserait pas en face-à-face.
Conserver dans nos rapports virtuels, les principes de correction que nous
appliquons au quotidien : ne rien faire que nous ne ferions en public. Visitez
le site de la commission nationale française d'informatique - la
Cnil et sa petite simulation (2) ou introduisez votre nom dans un moteur
de recherche et vous comprendrez que nos propos sont susceptibles d'être
recoupés. Ceci dit, non pour éveiller les peurs en évoquant
l'ombre menaçante de Big Brother, mais bien pour rappeler qu' Internet
est une place publique au vrai sens du terme. Tout ordinateur est un gestionnaire
local de fichiers. Connecté au réseau, il livre ses données
en toute objectivité informatique.
Juste mesure
Seconde règle. Adoptons résolument une attitude critique
: les propos rencontrés sur le Net peuvent être sommaires,
incomplets, sans nuance, l'uvre de maladroits ou de malintentionnés
Ils sont à l'image des citoyens de notre société. Ne
prenons donc pas tout pour argent comptant mais ne renchérissons
pas pour autant aux verbiages. Stop aux propos incompétents et aux
banalités. S'il importe parfois de couper les ailes à certains
bobards, mais il serait illusoire de vouloir tout contrer. Exprimons-nous
dans le cyberespace public sur des sujets que nous maîtrisons, et
avec un niveau de langage qui serve l'intérêt de nos correspondants
multiples. De plus, prendre la mouche ne servirait qu'à engorger
le réseau ! La circulation des messages provoque sur Internet une
imposante circulation : n'en rajoutons pas pour répondre à
tous les médisants et les niais. La netiquette, c'est avant tout
l'art d'épurer le flux en ayant soi-même un usage approprié
des autoroutes de l'information.
Offrir ses propos à quel prix ?
Si l'on envisage maintenant des échanges avec des personnes que
l'on connaît -notre réseau de relations privilégiées-
la pratique peut être différente. On sait qui parle, on se
comprend à demi mots. On peut même nuancer sa prise de position
par l'adjonction de souriards J (3). Toutefois, avec nos intimes, la netiquette
demande que nous tenions compte de la réalité technologique
qui crée un rapport proportionnel entre flux d'info et coût
de connexion-transfert. Soyons économe pour que nos messages satisfassent
sans puiser lourdement dans le porte-monnaie de nos correspondants. Rapatrier
des fichiers imposants demande un temps de transfert qui se chiffre vite
en euro !
Etre soi versus pseudo
Se cacher derrière un pseudonyme peut parfois se justifier pour
rester discret, dans les dialogues en ligne ou les forums, notamment. Toutefois,
on comprendra qu'il s'agit d'une pratique ouvrant rapidement la porte à
un usage plus pervers : la prise de parole à tort et à travers,
voire même la médisance. Attention donc. Quant au respect de
l'identité, il y a lieu de rappeler la propriété intellectuelle,
les règles de la citation et la ferme dénonciation du plagiat.
T'es décalé ou quoi ?
Enfin, il y a la bienséance qui tient compte du caractère
différé de certains messages circulant sur le Net. Ne pas
poster plusieurs fois une intervention sur un forum, sous prétexte
qu'elle n'apparaît pas de suite à l'écran. Ne pas condamner
quelqu'un qui ne répond pas dans l'instant à notre courrier
alors qu'il est en plein sommeil dans un fuseau horaire opposé au
nôtre. C'est ça aussi les règles du savoir-vivre ensemble
connectés.
Pour étiqueter plus largement ces usages, cherchez sur le net
au mot-clé "netiquette".
[Note]
(1)
Virginia SHEA, Netiquette, Albion Books, San Francisco,
1994, pp 32-33.
Arlene RINALDI,The Net: User Guidelines and Netiquette
: site en ligne http:fau.edu/rinaldi/net/ten.html
Sally HAMBRIDGE, RFC 1855 Netiquette Guidelines
, Santa Clara
La traduction française a été réalisée
par Jean-Pierre Kuypers <Kuypers@sri.ucl.ac.be>.
(2) http://www.cnil.fr
(3) Appelés aussi smileys ou émoticons, ces
petits visages stylisés expriment le sentiment qui accompagne l'expression.
Pour leur décodage, frapper "smiley" dans un moteur de
recherche.