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Media 2000


Avantages et limites d'Internet : Choix pédagogiques pour construire demain



L'apparition d'un nouveau phénomène de société éveille toujours des positions partisanes. Les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, les NTIC, n'échappent pas à cette dynamique: il y a les pro et les contra, sans oublier la masse incalculable des indécis. En tout cas, force est de constater que la bataille est engagée, pour une annexion généralisée du numérique dans notre quotidien Et donc, pour ou contre, il faudra harmoniser nos efforts et envisager notre avenir "avec" le multimédia.

Est-ce une question de génération ? Il est en tout cas incontestable que les jeunes ne s'arrêtent pas aux appréhensions qui font peut-être encore hésiter les adultes. Quelle différence entre le caractère déluré de ma petite nièce de six ans qui joue habilement de la souris sur l'écran de l'ordi. familial recemment acquis et les manipulations saccadées et maladroites de sa maman qui s'est jetée à l'eau, nécessité professionnelle oblige, mais qui n'a vraiment pas le feu sacré pour les nouvelles technologies.

Obélix aussi   

C'est la première grande différence qui sépare les générations : les enfants, comme Obélix, sont tombés dedans quand ils étaient encore tout petits. Et ça, il n'y a pas à dire, c'est vraiment un grand avantage. Car toute l'éducation des adultes a été construite sur le référent-papier et les contacts interpersonnels vivants, tandis que nos jeunes construisent, depuis leur tendre enfance, une perception du monde médiatisée par la BD, l'audiovisuel, le virtuel et la 3D. Ce contraste n'est vraisemblablement pas innocent dans l'attitude spontanément développée par les uns et les autres, face aux NTIC.

Recyclé ou bon à être... jeter

Faire ce constat amène directement à mesurer une tendance qui ne cessera de s'accentuer : le décalage entre les compétences traditionnelles mises en place par l'école et celles de plus en plus demandées par le milieu professionnel moderne. Compétences qui s'expriment en termes de maîtrise informatique certes, mais aussi en capacités, ... à s'adapter au changement, à fonctionner en équipe, à fractionner le travail, à savoir communiquer ses interrogations mais aussi les résultats de sa recherche, ... Des compétences à la fois collaboratrices et d'autonomie. Des compétences d'appréciation du réel, dans un monde de plus en plus approché via le virtuel et la simulation préalable qu'il permet. Un monde réduit aux dimensions d'un village global, accessible par la simple communication téléphonique locale. Tout cela pose de façon nouvelle la difficile question du "vrai". Celui-ci semble en effet céder la place à un "certain degré de pertinence" par rapport à des objectifs fixés, ... le savoir et les théories s'effaçant, elles, derrière des modèles plus ou moins efficaces ou fonctionnels.

Vous avez dit progrès ?

Déclarer d'emblée que le multimédia divise à ce point notre société, les générations, pourrait donner à penser qu'il s'agit donc de lui faire procès, et que les arguments d'une condamnation en règle sont déjà prêts à être avancés. Or, la question n'est pas là. Le multimédia vivra, qu'on le veuille ou non. L'adage populaire qui dit qu'on arrête pas le progrès aura une fois de plus le dernier mot. Cela dit sans fatalisme aucun. Il s'agit en fait pour notre époque, de mesurer les enjeux pour orienter ce qui se profile, de telle sorte que le multimédia concourt à un apport positif -ce que l'on appellera véritablement un progrès- et de le mettre à la portée de tous. Il y a là un défi démocratique pour notre temps.

L'avenir est à la souris

Si le multimédia s'est essentiellement développé dans le cénacle des entreprises, c'est d'abord pour une question de rentabilité. Des adultes ont été formés, certes, mais des jeunes ont également été engagés. La compétitivité qu'impose le libéralisme économique mondial est à la base des investissements consentis dans ces nouvelles technologies. Deuxième grand secteur : le jeu et le public-cible des jeunes, en famille. Ainsi donc, la généralisation du numérique aux autres secteurs de la vie publique n'a plus été que la suite logique d'une recherche d'optimalité commerciale. Dire maintenant que l'avenir est à la souris -le "clic" libérateur des commandes informatisées- signifie que, jusqu'à l'invention d'autres technologies plus pointues, le multimédia occupera une niche qui aura tendance à s'étendre aux dimensions de notre quotidien. Communication en tous sens, automation, régulation, loisirs même, ... l'ensemble des secteurs de notre vie sera touché. On n'a pas refusé l'électricité et tout ce qu'elle a permis de bien et de moins bien. Il en sera de même du multimédia. Comment, dès lors en faire une source de progrès ? La solution est à rechercher, comme le dirait le philosophe André Comte-Sponville citant Montaigne, dans la maîtrise de la maîtrise.

Qu'as-tu appris à l'école, mon fils ?

N'est-ce pas finalement là que tout commencera ? Quand l'enfant prendra la mesure des usages que la technologie permet, remettant par là même l'outil à sa juste place : instrument au service d'objectifs sociétaux clairement établis. Les NTIC, l'informatique ne sont que des outils. Mais il faut bien admettre qu'ils permettent de faire aujourd'hui, plus rapidement, plus précisément et plus efficacement parfois aussi, ce que l'on faisait autrement, avant. Se pose dès lors la question de la formation que l'on donnera à l'école, à tous ces jeunes qui, par ailleurs, ont déjà accès à ces nouvelles sources de savoir rendues accessibles à coups de "clic".

Pédagogie revisitée

En accompagnant les écoles de Média 2000 (1) force a été de constater que l'intégration du multimédia modifie, certes, certains paramètres techniques de l'acte d'apprendre, une nouvelle relation à l'espace et au temps, notamment(2), mais que c'est surtout la pédagogie qui en ressort défiée. Le rôle du professeur, celui de l'élève, et encore la place du savoir : autant d'options fondamentales sur la manière de concevoir l'école. Va-t-on continuer de concevoir celle-ci comme le lieu de la transmission de savoirs acquis, mis à disposition par un enseignant-dispensateur, au profit d'un élève-récipiendiaire, dans une démarche de légation strictement disciplinaire, sanctionnée par une évaluation essentiellement certificative ?

Se former, un métier pour la vie

Va-t-on au contraire, concevoir une pédagogie de la construction des savoirs, au service d'objectifs de croissance personnelle et collective, choisis au sein de projets fonctionnels, orientant le travail scolaire, trop souvent décontextualisé, sur la production de véritables apports sociétaux ? En d'autres mots, faire du travail scolaire un enrichissement réel pour la société et une réelle valorisation de l'apprenant, bien avant que le statut de demandeur d'emploi ne soit atteint. Car nous sommes désormais entrés, qu'on le veuille ou non, dans la "lifelong learning society(3)" dans laquelle d'ailleurs le statut de demandeur d'emploi ne vous garantit plus rien.

Un outil, rien qu'un outil

Ne croyons toutefois pas qu'à tant insister sur la nécessaire intégration de ces technologies, on veuille donner à penser qu'elles sont le remède miracle, la panacée d'une société qui cherche, par nécessaire adaptation à l'évolution,  à renouveler ses modes et ses principes de fonctionnements. Ne soyons pas dupes, Internet est un grand réseau, géré par des opérateurs commerciaux qui doivent rentabiliser leurs investissements. Le citoyen est donc dans ce grand jeu, un pion, consommateur d'un mass-média tarifé à l'unité. Une formation de médiacteur (4) devra donc le rendre critique pour que l'outil ainsi mis à sa disposition demeure, sans plus, le prolongement performant de ses mains d'artisan responsable. L'école doit pouvoir assumer cette formation. Les professeurs doivent eux-mêmes y être sensibilisés.

R-évolution permanente

Pour le reste, soyons sereins : avec l'apparition du multimédia, nous sommes en présence d'une révolution technologique de plus. Après le feu, la roue, l'imprimerie, l'électricité et le nucléaire,  un nouvel outil -le numérique- se propose de nous faciliter certains comportements. Le risque est là aussi, bien présent, que son usage soit envisagé à des fins moins avouables. Mais cela, ni plus ni moins que les autres médias. Mis à part peut-être, le fait que, comme pour la télévision, ce risque est lié à sa force de pénétration de nos cocons familiaux, à la facilité de consommation passive et crédule que ce média connaît et à l'impact émotionnel qu'il exerce, l'image et le son provoquant certainement une captation plus grande du spectateur, l'invitant plus spontanément à une identification que le média-papier ne peut le faire. D'où l'importance d'être formé à cet usage et que donc l'école investisse ce créneau, dès aujourd'hui.



(1) Média 2000 est une Recherche-Action sur l'intégration des NTIC à l'école, menée depuis sept. 95, aux niveaux fondamental et secondaire. Elle est pilotée par Média Animation, le Centre de Ressources en Éducation aux Médias de l'Ens. Libre, situé 32, avenue Rogier - 1030 Bruxelles. Tél. 02/242.57.93.
(2) Si on n'a pas une machine par élève, il faut donc s'organiser, rassembler les quelques machines, ou éclater le parc de matériel dans plusieurs classes, certes, mais il faut aussi se répartir le temps de travail, notamment en sous-groupes. User pour cela d'une pédagogie différentiée et surtout concevoir une disposition de l'espace (les locaux) et du temps (les sacro-saintes 50 minutes de cours) de telle sorte que l'on tire un profit maximum de ce qui n'est encore qu'un équipement de fortune dans une architecture conçue antérieurement à l'apparition de l'informatique.
(3) Une société de la formation tout au long de la vie.
(4) Médiacteur est le titre d'une publication de Média Animation sur les coulisses de la télévision. Le concept désigne la formation d'un "spectateur actif, explorateur des médias et acteur de la communication médiatique", comme l'énonçait en 1996,  le CEM, le Conseil pour l'Éducation aux Médias, au sein du CSA, le Conseil Supérieur pour l'Audiovisuel, en Communauté française de Belgique.
 

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