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Médiacteur tout savoir sur la programmation télévisuelle


2006 verra sortir de presse la sixième édition de l’ouvrage d’éducation aux médias intitulé « Médiacteurs, tout savoir sur la télé ». La publication, renouvelée et adaptée, se présentera sous forme de cahiers indépendants. Le premier à paraître aborde la « programmation télévisuelle ».



« Programmer une chaîne de télévision est une entreprise bien plus complexe que ce que peut imaginer le téléspectateur lambda ou le lecteur de page télé d’un quotidien. Une série de facteurs économiques, socioprofessionnels ou liés à la programmation elle-même conditionne le travail du programmateur » . Dès lors, rien d’étonnant que la programmation soit devenue une technique enseignée en tant que telle dans les programmes de broadcasting des universités. Et dans les écoles américaines, elle atteint parfois même un degré élevé de sophistication.

Vu du seul côté du télé consommateur, la programmation pourrait être définie comme « l’art de jumeler le temps social (ma disponibilité devant l’écran) et le temps télévisuel (l’agencement des programmes sur les plages horaires de diffusion). En ce sens, il s’agit de tenir compte des saisons (été/hiver), du jour de la semaine et du moment de la journée  », tout en identifiant avec justesse le public cible disponible devant son écran, à chacune de ces plages. Peut-être penserez-vous qu’il s’agit alors d’un puzzle où à chaque pièce correspond une et une seule case.

La vision des choses se complique pourtant, dès que l’on passe du côté du décideur de chaîne. Le responsable des programmes qui fait annuellement ses achats sur le marché mondial des programmes et des films produits (MipTv : lire notre encadré), a tout le loisir de se laisser tenter par les offres du moment. On l’imagine aisément, sa politique d’achat est conditionnée par toute une série de facteurs dont les principaux, comme pour toute activité économique, seront la loi de l’offre et de la demande, la hauteur des prix pratiqués et les réserves budgétaires disponibles. Ces éléments décisifs pèseront de tout leur poids sur les acquisitions et, dès lors, sur la ligne éditoriale générale. En résulte inévitablement un grand écart à toujours négocier entre « le souhaité» et « le financièrement possible ».

Est-ce là toute la difficulté de cette fonction ? Le penser, c’est ignorer d’autres aspects du métier de programmateur lesquels dictent également sévèrement leur loi. Certes, le responsable de chaîne ne peut offrir dans ses grilles de temps d’antenne que ce qu’il a trouvé disponible sur le marché des programmes, commercialisé à des prix abordables étant donné ses sources de financement. Mais…

 

En avec ça, je  vous mets…


Les marchands de programmes sont de sacrés maquignons. Ils ne se contentent pas de vous offrir tel ou tel programme. Pour vendre leur fonds de commerce, ils usent de procédés bien spécifiques. Rares sont ceux qui vendent leurs productions à la pièce. Ou alors, les prix sont à la mesure de la beauté du geste ! C’est plutôt par lots –souvent hétérogènes- que sont proposés les films, les séries, les magazines, les reportages. Vous en voulez un bien précisément… s’il fait partie d’un « package deal  », il vous faudra acquérir l’ensemble. Et une fois achetés, ces programmes ne pourront pas tous rester dans vos tiroirs, inutilisés. Cette situation de fait annonce une programmation de qualité, à tout le moins hétérogène. Et certaines chaînes ouvrent alors des antennes de diffusion bis et ter, pour écouler leur marchandise de second rang… Au télé-spectateur de faire le tri. Pas étonnant non plus que les programmes d’été regorgent de navets. Quand il y a moins de télé-spectateurs devant les écrans et que la période des sondages est dépassée, on dégraisse les stocks globalement acquis.

Bien sûr, le responsable des achats de programmes se donne des objectifs qualitatifs. Il a une ligne éditoriale à honorer. Faire de la télévision, c’est en effet remplir une mission noble : informer, divertir et former. Normal dès lors qu’il ait envie de bien faire les choses au moment d’arpenter le marché. Mais un second obstacle se dresse immédiatement devant le libre choix : la capacité budgétaire de la chaîne. Celle-ci dépend immanquablement des sources de financement dont la chaîne dispose. Subventionnée, parce que de service public, ou indépendante parce que privée, les chaînes jouent dans des cours différentes. Les subventions d’état sont ce qu’elles sont. En Belgique, on connaît les difficultés de la Communauté française de Belgique, et plus spécifiquement celles du secteur non marchand auquel l’audiovisuel appartient. Le secteur audiovisuel privé lui, est un véritable marché. Ses sources de financement sont totalement issues d’une commercialisation d’espaces publicitaires. Dès lors, les responsables de chaînes publique et privée ne font pas leur marché avec un budget identique.

Résumons-nous : Le marché des programmes est un vrai marché avec ses lois économiques. On n’y achète pas nécessairement ce qu’on veut et les ventes, dont certaines se négocient en toute exclusivité parfois, rendent la concurrence rude . On n’a pas toujours les moyens de ses ambitions…  Chaînes publique et privée sont dans des situations incomparables. A-t-on ainsi fait le tour des frustrations sur le chemin de la programmation ?



Programmer pour et aussi… contre


Quand bien même un programmateur estimerait-il s’en être bien sorti au marché des acquisitions, au moment de commencer le petit jeu du classement de ses programmes en grilles horaire équilibrées, le voici à nouveau contré dans son originalité et sa créativité. Là aussi, la concurrence entre les chaînes est une réalité bien sensible. Programmer, c’est aussi « contre-programmer « . Il faut distribuer judicieusement ses temps d’antenne pour rentre captif son public, tout autant que pour récupérer la clientèle de ce qu’il faut appeler lucidement « la chaîne  concurrente ». Que fera le programmateur expérimenté ? S’offrent à lui plusieurs techniques de programmation et de contre programmation.



Stratégies de combat


« Au cours d’une journée, on trouvera d’abord le day-time, puis le prime time. Différences entre ces deux moments : leur localisation temporelle, la nature de leur audience et leur variation d’usage. On passe d’une télévision de compagnie à une télévision de masse. Aux USA, la Federal Communication Commission a officiellement situé le prime time, peak-time de l’audience, entre 20 et 23 heures. Mais il y a autant de prime time qu’il y a de cultures différentes de l’usage télévisuel de par le monde. La grille de programmes, garante de continuité, articule un quadrillage du temps télévisuel autour de plusieurs points forts. Garante de diversité, elle divise la journée et la semaine en différents genres et contenus d’émissions  ». Une répartition  de qualité se fera sur la base d’une identification des périodes de temps libres des publics-cible des programmes à placer. Mais la concurrence impose de tenir compte de la pratique des chaînes que l’on tente de contrecarrer.

Démarrer son programme quelques minutes avant l’autre chaîne, c’est peut-être récupérer des spectateurs qui, quelques minutes avant le début de leur émission, font de la pré-écoute en zappant sur les autres chaînes.
Programmer le même type d’émission au même moment que son concurrent, c’est forcer le téléspectateur à choisir (concurrence frontale pure). Diffuser, au contraire, une émission d’un autre type, c’est miser sur la diversité des goûts (programmation alternative). Enchaîner les programmes semblables (par exemple un tunnel de trois séries, comme PJ, la Crim et Avocats et associés, le vendredi sur A2) c’est accrocher les amateurs d’un genre particulier toute une soirée. Placer une émission chaque jour ou chaque semaine à la même heure, c’est fidéliser le spectateur, surtout si la dimension feuilleton y est présente. Prolonger un programme de quelques minutes pour dissuader le téléspectateur de changer ensuite de chaîne, le programme de la concurrence ayant déjà démarré, c’est un grand classique. Insérer une nouveauté entre deux émissions à succès, pour faire découvrir celle-ci par un maximum d’enthousiastes, voilà un bon truc. Voici résumées quelques unes des pratiques courantes dont les programmateurs usent –et parfois abusent-.

Reconnaissons-le, ce métier prend progressivement les allures d’une lutte, les protagonistes espérant pouvoir lire dans le jeu de l’adversaire pour mieux le contrer.



Avec ou sans pub

Cependant, il manque encore une donnée importante de cette dramaturgie. En effet, depuis la fin des années 80, les télévisions européennes ont adopté le modèle de la télévision commerciale américaine dominée par « la théorie de la télévision comme vente d’audiences » , celle-ci ne servant qu’à recruter une audience potentielle et à maintenir son attention au service d’annonceurs publicitaires, pourvoyeurs de fonds bien nécessaires. La récente sortie très médiatisée et fortement critiquée de Patrick LeLay, Pdg de Tf1 était pourtant sans ambiguïté : « A la base, le métier de Tf1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (…). Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du télé-spectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre tel : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Voilà la dernière composante, saisissante s’il en est, à mentionner dans le « Master mind » de nos programmateurs. Que devient alors la partie ? Choisir ce qu’il faudra mettre à l’antenne pour se garantir un public captif homogène, lequel sera ensuite revendu comme cible idéale à un annonceur fortuné ?

C’est pourquoi l’on pourra conclure que « l’émergence de la grille comme procédé organisationnel de la programmation télévisée n’est pas le fruit du hasard ou de l’évolution naturelle de la télévision. Certains auteurs mettent ce phénomène en relation avec le développement de la publicité sur les chaînes françaises dans les années 70, puis avec la naissance de la concurrence. Comme la grille, la concurrence réduit la singularité d’une émission dont elle fait un genre face à un autre genre dans une autre case horaire. Rien de plus normal alors que cela régisse désormais la distribution des temps d’antenne.  » La présence des écrans publicitaires, souvent administrés automatiquement par décrochage d’antenne vers les relais des régies publicitaires travaillant en  sous-traitance, oriente la structuration du temps télévisé vers la production d’émissions calibrées sur vingt-six et cinquante-deux minutes. Les espaces publicitaires sont désormais les équivalents écrans des surfaces réservées aux annonceurs, dans la presse écrite par exemple. On le sait, ce sont ces surfaces qui sont prioritairement attribuées, étant donnés les enjeux financiers qu’elles représentent. A charge des journalistes –et des programmateurs en télé- de se satisfaire des reliquats pour déposer leur contribution. Force est alors de constater que l’on en vient à ce demander si ce sont les écrans publicitaires qui encadrent les émissions ou si ce n’est pas plutôt l’inverse.


Cannes, le grand marché


Le MIPTV est un marché spécialisé en programmes de télévision et caractérisé par l'ampleur et la diversité de la représentation internationale. Il s'agit d'un marché important pour la vente et l'achat de droits de diffusion, la coproduction, le financement, les partenariats… le tout dans un contexte de globalisation des marchés. C’est le premier Marché mondial des contenus audiovisuels et numériques.
Consacrant cette année la fusion de l'audiovisuel et du numérique, la rencontre, baptisée officiellement "MIPTV featuring MILIA 2005", car elle a intégré à part entière le MILIA (Marché international des contenus interactifs), a démontré la vitalité de l'industrie de la télévision. Venus des quatre coins de la planète, 3.598 acheteurs se sont pressés sur la Croisette soit, selon les organisateurs, 25% de plus que l'an dernier. Avec un record de 12.157 participants (13% de plus que l'an dernier) et la participation de 4064 entreprises de 99 pays différents, le plus grand marché mondial de la télévision a brassé un chiffre d'affaires qui a du dépasser, cette année, 2,3 milliards de dollars.

Les télé-spectateurs ont la parole


Depuis plusieurs années, la Fondation Roi Baudouin donne la parole aux consommateurs. Cette année, avec le projet piloté par Média Animation ce sont les télé-spectateurs qui se mobilisent pour faire entendre leur voix. Au long de trois ou quatre séances d’animation, des étudiants, mais aussi des représentants de divers milieux socio-culturels ou d’associations, réunis en groupes homogènes, ont découvert les coulisses de la programmation télévisuelle. Grâce à une meilleure compréhension des mécanismes actifs mais également des enjeux économiques dans ce secteur, ils ont été en mesure d’énoncer un certain nombre de recommandations à destination des responsables des programmes de nos chaînes francophones belges et des responsables des chaînes communautaires et régionales. Ils ont pu dire alors quelle télé ils aimeraient consommer. Pour certains, le choix se porte sur des programmes plus humanitaires, comme ils les appellent, une télé de proximité, certes, à la façon des télés locales, mais avec un recentrage sur l’Europe en construction, un événement que beaucoup trouvent importants d’accompagner d’une information plus sérieuse que ce qui se fait actuellement. Si les intervenants reconnaissent que le divertissement a bien sa place sur les écrans, leurs recommandations vont bien dans le sens de dire « Ne nous prenez pas pour des idiots ». Ils ne veulent pas d’une programmation « qui vend des parts de cerveaux disponibles aux annonceurs », selon la formule de Patrick Le Lay, directeur de Tf1. De leur propre aveu, pourtant, la télé-réalité, les divertissements faciles, les séries « à l’eau de rose » sont parmi les programmes les plus regardés par ce même échantillonnage de télé-spectateurs. Que répondront alors les programmateurs, ce 26 janvier 2006, à l’heure de la confrontation ? Ils auront sans doute beau jeu d’emporter avec eux les audiences de leurs programmes pour prouver que leurs choix rejoignent tout de même un certain appétit du public. Economiquement, il ne peut d’ailleurs en être autrement ! Le serpent se mordra-t-il une nouvelle fois la queue ? Saurons-nous avec plus de justesse qui influence la constitution des programmes : les annonceurs, le public lui-même ou les programmateurs dans leur façon pro-active de construire les grilles ? Sans doute les trois à des degrés divers, selon les missions que se reconnaissent les chaînes, respectivement.

Si vous souhaitez prendre connaissance des coulisses de cette opération, voire y ajouter votre grain de sel… un site internet est à votre disposition à l’adresse : http://www.telespectateurs.be






 

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