Dis… j’cause, tu m’écoutes ?
Vas-y…
Exprime-toi ! Libère la parole qui est en toi ! Oui, mais… si en face
on n’écoute pas ! A quoi bon ? Et si l’expression n’est qu’une longue
introspection aux heures les plus noires, ne rencontrant quasi jamais qu’un
assentiment purement laudatif. Alors, dites-moi : « Qu’a-t-on gagné
d’être à l’ère de la communication ? »
« Décidément
quand je suis de bonne humeur j'ai un de ces manques d'inspiration. C'est
grave. A croire que je n'écris bien que quand je souffre » écrit Meghann sur
son weblog (journal intime en ligne). Et Frédérique, une autre bloggeuse, de
rajouter : « Je pense
effectivement qu'il y a là une part d'égotisme. Plus je lis des blogs, plus je
me rends compte que leurs auteurs (et je me mets dans le lot) souffrent soit de
dépression, soit de manque de confiance, soit d'autres maux... Je pense que les
bloggeurs ont besoin de se mettre en avant, de trouver une place qu'ils ne
trouvent peut-être pas dans leur vie sociale ou affective... qu'ils créent un
univers qui leur correspond, un espace idéal en quelque sorte. Sans le regard
de l'autre, le blog n'a pas de sens. Autant écrire un journal intime. Je crois
que les bloggeurs sont en quête de reconnaissance.
Cela fait déjà quelques
semaines que Ialosileth m'a -involontairement je suppose- inoculé le virus de
l'écriture. J'ai compté, cela fait maintenant 19 textes qui ont coulé de
ma plume sans vraiment avoir demandé une autorisation de sortie. Ce ne
serait pas un mal en soi si ces textes n'étaient pas tous si noirs. Est-ce que
mes visions apocalyptiques reflètent mes craintes de l'avenir ? Est-ce que mon
pessimisme reflète une perte de confiance envers mes frères et soeurs humains ?
Cette nuit je me suis installé devant mon clavier en pensant "maintenant,
j'écris une histoire gaie, qui finit bien, pleine d'espoir et de rires !".
La page est restée désespérément vide. Demain, peut-être ?
Le vieux
Commentaire
(unique)
Il sort de ton
imagination ce qui doit sortir… Ne te force surtout pas à vouloir écrire une
histoire optimiste. Tes textes sont très beaux… C’est le principal à mes yeux.
Ialosileth
Causes toujours, je m’intéresse
Eh bien, dira-t-on peut-être, c’est très
bien. N’assiste-t-on pas là au renouvellement des canaux d’expression !
Reste que la chute du commentaire de Frédérique est sans appel : « Sur les Blogs, on se crée son réseau
de connaissances qui partagent les mêmes préoccupations, on est donc très peu
contrarié dans son initiative ». Combien de blogs d’ados, mais aussi
de plus âgés, n’alimentent-ils pas ce que j’appellerais volontiers la
« vague laudative » : « T’es trop… (on ne dit même pas trop
quoi… c’est la traduction de l’américain « too much »…) Reste comme
ca… » ou encore « C’est comme ca qu’on t’aime, change pas » ou
« T’as bien le droit d’être qui tu es, n’écoute pas ceux qui disent le
contraire… ». Et pan… l’applaudimètre vient à nouveau de rendre
l’âme ! Autre exemple : Récemment, Aurélia, un peu perturbée par les
choix de son compagnon hyperactif s’est confiée sur son blog pour être conseillée :
Faut-il qu’elle le laisse vivre ses rêves, avec tous les risques de séparation
progressive qu’elle entrevoie ? Elle confie : « En ce qui concerne mon post sur laisser l'autre vivre ses rêves, en
toute honnêteté, je n'espérais qu'une chose : que dans mes commentaires on
me mette que non, parfois, il fallait empiéter sur la liberté de l'autre et ne
pas le laisser faire. Voilà la réponse que j'espérais, qui m'aurait fait du
bien, et c'est la seule que je n'ai pas eue ». En effet, les
commentaires d’une ou deux lignes qu’elle a reçus déclinaient sous diverses
variantes le slogan facile : « Il faut vivre sa vie et laisser
les autres vivre la leur ! » et ce, sans débat aucun. Avouez… si l’on
n’a pas meilleur usage des outils modernes de la communication, l’avenir n’est
pas prometteur. Et c’est pourtant la même réserve que formule à sa façon
Thibaut, dont la pratique des blogs est déjà ancienne : « J'ai déjà vu sur
des blogs ....et assez souvent… la situation suivante : La personne écrit un
post qui explique un mal-être , une douleur , voire même un S.O.S ...ok ? Et
une partie des commentaires sont : "Toujours aussi chouette ton blog
...continue !!!!" ... Ca prête à réfléchir
non ???? »
Mais voilà… les nouvelles
technologies, dites de communication, se généralisent et chacun se sent obligé
d’y sacrifier son temps, son argent et son énergie, pour être « sur la
vague ». Si t’as pas d’Email, de site, de blog… maintenant, t’es un
naze ! Que dire des GSM ? En avoir un n’est plus rien ! Ce sont
les gadgets associés à la fonction téléphonie (wap, photo, carrosserie
amovible…) qui font son caractère branché ou ringard.
Prêt à porter en ligne
Mais revenons aux blogs. Certes,
ils ne sont qu’une petite partie de l’expression de plus en plus massive qui se
déverse sur le net. Le web, l’ensemble des sites, est d’ailleurs, la plupart du
temps, dédié à des thématiques et des contenus d’un tout autre genre que les
journaux intimes en ligne. Il s’agit plutôt de publications, de communication…
de la diffusion de contenu. Mais le web est loin de couvrir la totalité de
l’internet. Et donc, si l’on s’intéresse aux nouvelles voies de la libre
expression en ligne, c’est dans les pages personnelles qu’il faut aller voir…
ou dans les forums.
Or, les pages perso sont une
forme de mise en ligne qui requiert de la part des internautes, des capacités
non négligeables d’édition assistée par ordinateur. Si la composition html se
fait par l’intermédiaire de logiciels auteur, il faut malgré tout encore
télécharger ses pages en FTP (protocole de transfert de fichiers) sur le
serveur hébergeur et gérer l’arborescence des diverses pages liées les unes
autres. Pas toujours à la portée du premier novice venu ! C’est ce qu’ont
bien compris les fournisseurs d’accès internet et les hébergeurs de sites qui
offrent maintenant le postage d’infos via des formulaires standardisés et des
procédures automatisées : les blogs. Idéal pour rédiger jour après jour
son « carnet extime ». « Cliquez ici » pour introduire
votre texte au kilomètre. « Cliquez ici » pour télécharger la photo
que vous souhaitez voir apparaître. « Choisissez » son alignement, la
destination d’un hyperlien qui lui est associé. Et zou… c’est à l’écran, et
accessible de partout dans le monde entier.
Il n’est plus nécessaire d’être
grand clerc pour s’épancher sur le net. Encore faut-il avoir des choses à dire
et les exprimer de sorte que ceux qui sont sensés constituer votre public-cible
les reçoivent, les lisent, les comprennent. Mais s’en soucient-ils vraiment,
ceux-là qui postent à tour de bras ! D’autant que les lecteurs,
apparemment, loin d’ouvrir les débats, postent sur les blogs des autres de
sorte à être eux-mêmes identifiés et à recevoir des visites en retour. Tout ce
petit monde, finalement, se rend des visites de courtoisie, où il semble de bon
ton d’encourager toute démarche d’écriture.
Il y a tout de même des
exceptions sur cette mer de la tranquillité… des vagues tempétueuses, même.
Certains bloggeurs ressentent visiblement un malin plaisir à s’envoyer des
injures à la tête, version virtuelle du massacre de vaisselle. Voir notre
encadré.
[ Mais quel crétin!!! ] - [ Origami 02:40:37 ]
Une discipline tend à
se populariser sur les blogs.
- Si tu veux parler de la
multiplication des insultes, je sais ô Origami!!
- Remarque quand Origami
chaloupe gentiment un "illuminé" il se répand en insultes qui, non
seulement, glissent sur mon épaisse carapace, mais révèlent la noirceur de
certains "petits anges" !!
- Ca t'étonne vraiment??
- Ben non, personne n'aime
qu'on lui parle de sa nullité, mais là je voulais surtout parler des vrais faux
départs!!
- Après les mélodrames
d'Alyssia et de ses sosies (salut Bourdon!!), voici que Le petit gay, dont
on sait tout le "bien" que j'en dis, annonce pour la 245678890 ème
fois son départ
Sans compter le départ
programmé puis avorté du pignouf , et d'autres blogueurs mal dans leur
pipeau, ça commence par chiffrer..
cot cot cot :)
Cette pratique imbécile
dictée par le désir de se voir acclamé pour faire un joyeux come back par
après, ressemble à un sinistre pas de danse qui me laisse dubitatif sur
l'équilibre mental de certains bloggeurs...
Qu'on se le dise, Origami
dégainera plus promptement!
Gare à vos faces de groins
!!!
Par souci de
correction, les pseudos ont été modifiés et l’orthographe et la frappe
rectifiées !
Videoscope très amateur
Et qu’en est-il de la libre expression dans
les autres médias modernes de la communication ? La radio et la télévision
demandent encore des processus de production et de diffusion qui ne sont pas à
la portée de tous. Certes, les technologies, de plus en plus numérisées et
miniaturisées, voient leur coût de fabrication, et de vente, diminuer. Le
public est donc enclin à oser le pas de l’équipement. Mais de la vidéo légère
ou du caméscope à la production de qualité broadcast, il y a un fossé rarement
franchi par la masse. Les productions restent donc de qualité médiocre. Si,
bien sûr, les reportages familiaux sont sympatiques, car ils évoquent des
moments intimes, leur qualité cinématographique ne passe pas la barre. Ainsi
s’exprime sur ce sujet Michel Castaigne, chef d’édition de Canal
Zoom-Gembloux : « Quand on voit
la manière dont les gens font leurs films de vacances, il y en a qui ont bien
compris que si l’on fait 3-4 heures de tournage, on ne les regardera pas, qui ont le sens du découpage et qui savent
que, quand on voit que j’ouvre ma porte 3 sec., on a compris. Mais ce n’est pas
la majorité. Par contre, beaucoup mettront 3 min. pour filmer la scène, sans
recours à l’ellipse. Sans comprendre le sens de l’image… C’est assez
symptomatique ». En presse écrite, les
rédactions, elles aussi sollicitées par leur lectorat pour insérer des
témoignages de vie le confirment : il faut tout réécrire. Le tout-venant
n’a aucune idée des codes de la communication de masse. Christine Masuy,
journaliste dans la grande presse féminine a été assistante pendant plusieurs
années dans le département de Communication de l’UCL. Elle commente :
« Quand on est journaliste, on se
rend compte combien les gens nous sollicitent pour qu’on leur donne la parole.
Les gens sont très demandeurs de parole. « Je veux témoigner pour aider
les autres ». C’est le grand classique… Pour que mon expérience
n’arrive plus à d’autres… C’est toujours par rapport à d’autres, c’est donc
aussi de l’ordre de la reconnaissance, être lu et entendu, là aussi … Et c’est
une part de ces gens-là que l’on retrouve
sur internet... Outre le besoin d’aider les autres, ils ont d’abord un énorme
besoin de vider leur sac… et pas nécessairement contre quelqu’un…Ils ne disent
pas… « Je veux dénoncer une erreur médicale, ou ceci ou cela… »
non ! C’est pour témoigner d’une épreuve de vie qu’ils n’imaginaient pas
pouvoir surmonter comme ils l’ont fait. Ca, je crois que c’est énormément
présent sur Internet, en ce moment. Ce ne l’est pas moins dans la presse
féminine, donc je ne sais pas si c’est une explosion récente, ce qui n’est pas
impossible quand on voit l’ampleur de la télé réalité… on se dit que c’est
devenu une sorte de normalité, en tout cas quelque chose de moins étrange qu’il
y a quelques années : les gens trouvent assez normal et commun de partager
leur expérience aujourd’hui ». La question toutefois demeure :
est-ce de la communication pour entrer en contact avec autrui ? Et quand
il s’agit effectivement de ça, est-ce avec une performance qui attesterait que
les outils de la communication sont vraiment des outils experts ?
Dites 6 fois « Allo »
Voici ce qu’en pense Baudouin Lénelle, ancien chef
d’édition au Soir Magazine, promu tout récemment directeur de la télé locale
communautaire namuroise, Canal C. Très sensible à l’emprise du secteur
économique sur celui de la consommation de masse en matière de médias, il
dénonce : « L’efficacité
n’est pas toujours où l’on croit… Certains jeunes ont besoin de trois coups de
téléphone pour se fixer un rendez-vous… et une fois le rendez-vous fixé, il y a
encore d’autres messages échangés à la périphérie de la décision : quand
on se met en route, on téléphone pour se dire « Je me suis mis en route,
est-ce que toi aussi tu es prêt ? », Puis on arrive, on se téléphone
et on dit « J’arrive et toi, t’en es où ? ». Et le dernier coup
de fil, c’est « Je suis là et j’te vois pas, t’es où ? - Ben… lèves
les yeux, t’auras l’image en même temps que le son ! ». Ca me paraît
être l’illustration limpide et lumineuse de cette tendance que je
décrivais : on est poussé à consommer. On a donné six coup de fil pour un
rendez-vous. Et en donnant ces coups de fil, on n’a pas beaucoup écouté
l’autre. Cinq des six coups de fil sont destinés uniquement à se
rassurer ! Oui, je serai là, oui, tu seras là, Oui, je ne serai pas tout
seul. Oui, tu m’as bien reçu ! Oui, c’est bien à tel moment !.Alors
qu’un coup de fil pour dire : donnons-nous rendez-vous à telle heure, et
on se fait confiance, et si quand on y est, il faut attendre dix minutes, on
attendra les dix minutes… C’est ce
besoin d’être rassuré qui émerge, ce que j’appelais tout à l’heure le
renforcement du cocooning : tout le temps besoin de sentir que l’on est
des gens aimés, proches, Et la plupart des
réactions des blogs, on peut les résumer à cela !
C’est : « Je suis avec toi, on trouve que tu es
génial ! »