Home / Lernen durch lehren

Lernen durch lehren


Apprentissage par les pairs

Propos recueillis par Michel BERHIN

A la question de savoir comment faire parler les élèves en une langue correcte et différenciée, de sujets pertinents et dans des situations de communication permettant une expression authentique et spontanée, Jean-Pol Martin (1) apporte une réponse originale. Sa méthode « Quand les élèves font la classe » est en passe de s’imposer magistralement en Allemagne où elle se développe depuis maintenant plus de 20 ans.

Face aux problèmes classiques de l’apprentissage des langues étrangères, le professeur procède souvent de façon éclectique, dispensant un enseignement de type traditionnel et frontal, mais ménageant, quand il le peut, des phases consacrées à l'expression libre. Le danger de cet usage est que l'élève, peu préparé par le cours traditionnel à parler librement, ne puisse profiter des espaces qui lui sont offerts et hésite à s'exprimer. I1 s'ensuit que le professeur impute cette réserve à la faiblesse, voire à la passivité ou à la mauvaise volonté de l'apprenant et intensifie encore les exercices peu communicatifs de répétition et de mémorisation.

Déléguer les tâches pédagogiques aux élèves


Jean-Pol Martin lui, demande aux élèves eux-mêmes  de présenter les contenus du manuel et d'assumer en langue-cible le déroulement du cours. « Il s'instaure, dit-il, dès le début de l'apprentissage une communication authentique en langue-cible (objectif communicatif). Les structures communicatives de base deviennent des habitudes dans le cadre très ritualisé du discours en classe (objectif béhavioriste). Enfin, comme les élèves concentrent leur attention sur les éléments lexicaux, grammaticaux et textuels véhiculés par le livre, ils développent une compétence métalinguistique stable (objectif traditionnel ) ».

De plus, on assiste à une modification positive du comportement social des apprenants, « car ceux-ci sont amenés, pour transmettre les contenus, à «se mettre à la place» de leurs camarades (phénomène d'empathie) et développent peu à peu des réflexes de solidarité et d'altruism e ». Enfin, on voit les rapports entre le professeur et ses élèves changer de nature, passer de la subordination à la coopération, « car l'enseignant, soulagé des tâches qui ne nécessitent pas sa compétence et peuvent être déléguées, veille principalement à ce que la transmission du savoir se fasse de façon efficace, s'efforce d'aider les élèves en difficulté par un soutien individualisé et s'applique à relancer par des mesures ponctuelles l'intérêt de la classe lorsque celui-ci menace de se relâcher ».

En règle générale, si le groupe ne dépasse pas vingt élèves, ceux-ci peuvent prendre la parole à tout moment et sans lever la main, à condition que leur remarque concerne le sujet traité et qu'ils s'expriment en français. Comme il leur manque fréquemment un terme pour réaliser leur intention de parole, ils s'adressent au professeur et lui demandent : « Comment dit-on «Stuhl» ? », ou inversement  « Que veut dire «chaise» ?  Celui-ci livre alors la traduction à l'élève. De cette façon, il est possible de réaliser dès le début de l'apprentissage une grande partie du discours en français.

Et savoir prendre son temps


Evidemment, au début, tout cela coûte plus de temps que les méthodes traditionnelles. Mais Jean-Pol Martin se veut rassurant. Sa longue expérience l’amène à dire « qu’il ne faut pas s’inquiéter d'un éventuel retard pris sur le programme au cours des premières semaines! Vous rattraperez aisément par la suite le temps que vous croirez avoir perdu . En effet, les élèves sont amenés à intérioriser beaucoup plus les expressions et structures qu'ils utilisent, puisqu'ils s'en servent dans des contextes de communication authentique. Ils mettent donc davantage de temps à les apprendre, mais ensuite ils ne les oublient plus. En ce qui concerne le rythme même du cours, vous aurez l'impression au début que tout se déroule d'une façon extrêmement lente et que cela lasse les participants. Mais il est probable que vous vous trompez . Les activités qui vous semblent simples, donc ennuyeuses, sont compliquées pour eux. Si rien ne se passe, que personne ne parle, cela ne voudra pas dire qu'on s'ennuie, mais qu'on réfléchit ! Soyez donc patient ! N'intervenez pas trop vite, cela découragerait vos élèves »


Faire prendre la parole et craindre moins les fautes que les silences



L'expérience montre que l’enseignant a toujours tendance à intervenir trop tôt, que ce soit pour corriger une faute ou donner une réponse parce qu'on trouve qu'elle ne vient pas assez vite. I1 faudra donc qu’il s’efforce de veiller à ce que chacun ait le temps de réfléchir, à ce qu'aucun élève ne soit interrompu quand il parle et que chacun puisse prendre la parole s'il le désire. Ces aspects sont très importants ! Ils constituent une condition indispensable au maintien de la motivation de tous. Bien sûr, le rythme d'acquisition des contenus ne doit pas en pâtir. C'est une question de doigté et de consensus avec les élèves. En intégrant cette méthode, il est probable qu ’il demeure un certain flottement au cours des premiers mois, mais peu à peu on apprend à développer une sensibilité qui permet de saisir les attentes des apprenants et de lever, lorsque c'est nécessaire, les flous et les incertitudes sans reprendre pour autant toute l'initiative en main.

L'originalité de la méthode réside donc dans la façon dont la communication s'organise en classe, dans l'attention qui est accordée à l'étude du vocabulaire et de la grammaire et dans l'insistance à susciter la production verbale des élèves à tout moment.

(1) Jean-Pol Martin est responsable de la didactique du français langue étrangère à l’Université d’Eichstätt-Ingolstadt (RFA)
 

    Post a comment

    Your Name or E-mail ID (mandatory)

     

    Note: Your comment will be published after approval of the owner.




     RSS of this page

    Le portfolio d'un formateur en Education aux Médias