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La recherche d'infos sur Internet, de plus en plus sociale (Partie 1)


Partie 1 : Les réseaux sociaux entrent en piste dans le référencement des sites internet

 

Si les développements technologiques des grands opérateurs de la recherche en ligne s’orientent dans un sens plus participatif, c’est parce que tout l’internet a été modifié du fait de l’émergence des réseaux sociaux. Il est déjà loin le concept de « grand bibliothèque virtuelle », déclassé par le bien plus récent « web social », le bien nommé 2.0. Et cette évolution ne pouvait manquer de produire ses effets sur les principes de la recherche en ligne et donc sur la nature même des outils développés pour la mettre en œuvre.

 

Pendant tout un temps, la méthodologie de recherche en ligne s’est faite avec des outils de localisation de l’info. Il y a eu les annuaires fonctionnant sur les principes des index ou thésaurus. Leur mode de classement se basait sur des rubriques thématiques qu’une table des matières générale déclinait en catégories et sous-catégories. Il fallait donc déjà bien connaître ce que l’on cherchait pour le pré-localiser avec précision dans la rubrique où on avait des chances de le trouver. Un exemple à partir de l’annuaire de Yahoo[1] ? Je cherche un texte, celui de « La création du monde en 7 jours ». C’est dans la rubrique « Société et culture » qu’il me faut commencer de cliquer. C’est là que se trouve la catégorie « Religion et spiritualité ». Mais dès cet instant, je suis confronté à un choix qui n’est pas simple : vais-je choisir « Textes » ou « Création versus évolution », ou encore « Bibliographies » ou « Sciences et religion ». Aucun de ces choix n’est insensé… mais tous ne mènent pas au même font documentaire. Vais-je travailler par essai et erreur ? En tout cas, si j’ignorais complètement de quoi il s’agit quand on parle du texte de « La création en 7 jours », je serais dans la plus complète indécision.

Heureusement, les années annuaires ont rapidement cédé la place à celles des moteurs de recherche. Plus besoin d’une connaissance préalable de ce que je cherche, à la seule condition toutefois de pouvoir énoncer l’objet de ma requête à travers des mots-clés judicieusement choisis. Cet exercice n’est pas simple en soi non plus ! Mais il supprime l’embarras décrit ci-avant dans l’usage des annuaires. Il y a pourtant un inconvénient majeur qui apparaît : là où l’annuaire ne me donnait que les résultats de la sous-catégorie spécifiquement liée à l’objet de ma recherche, je suis maintenant en présence de milliers, voire de millions d’occurrences du mots-clé demandé… des occurrences qui peuvent également provenir de catégories thématiques sans aucun lien avec ma préoccupation. Ainsi, le mot « création » et le mot « bible » que je peux lui adjoindre, me rapportent-ils 64.800.000 résultats. Il va dès lors me falloir connaître une syntaxe spécifique qui précise mieux l’énoncé de ma recherche et qui limite le nombre de résultats rapatriés. « Création du monde en 7 jours » ramène 458 occurrences. En effet, l’usage des guillemets crée le concept composé des mots-clés se suivant dans cet ordre précis, avec cette orthographe précise. Ceci explique que « Création du monde en sept jours » qui remplace le chiffre « 7» par le terme « sept » rapporte 372 occurrences sans lien direct avec les 458 précédentes, alors qu’on y traite sans doute de ma préoccupation ! Un bon usage de la syntaxe de recherche, cela s’apprend. C’est une compétence multimédia indispensable aujourd’hui. Mais elle est d’ordre instrumental… un savoir « comment faire ». La recherche n’en est pas pour autant terminée, car il va encore falloir opérer une discrimination qualitative sur l’ensemble des résultats rapatriés. Or, ce serait naïveté de croire que les résultats sont présentés dans un ordre de priorité qui corresponde à vos intérêts : les meilleurs sites en haut de la liste. Qu’est-ce d’ailleurs qu’un « bon site » ? Les critères de classement des résultats d’une requête sont le fruit d’un algorithme complexe qui relève du véritable secret-défense des opérateurs. Google par exemple, donnait encore il y a peu, quelques explications sur ses principes d’indexation. Mais pas question de livrer la recette précise qui vous permettrait de placer votre site en tête[2]. Ce positionnement, Google se le réserve jalousement. Cela lui permet d’abord de vendre un positionnement garanti par le biais des « Adwords ». Votre site apparaît alors en haut de la liste, dans un espace réservé aux référencements commerciaux. Mais cet algorithme connu d’eux seuls permet aussi à l’opérateur de privilégier qui il veut selon sa ligne éditoriale[3] de même que de sanctionner ceux qui lui semblent devoir l’être. La chose est connue publiquement avec l’exemple récent des journaux francophones belges qui n’ont plus été référencés du tout dans les pages de Google, le temps d’un we[4], en représailles d’un jugement qui a été prononcé à la défaveur du géant américain à qui la presse belge reprochait de publier in extenso certains de ses articles dans la rubrique « Google Actu » sans payer les droits liés à cette publication. La réaction a été radicale : suppression pure et simple de toute mention desdits journaux dans la base de données de Google, ce qui privait du même coup (du même coût, devrait-on dire) les journaux d’une partie de leur lectorat (estimée à 20 % au moins) … et de leur accroche publicitaire, par le fait même[5].

Mais on l’aura compris, la question du positionnement des sites dans les pages de résultats n’intéresse pas que les éditeurs en ligne… Vous et moi, l’internaute lambda qui cherche l’info veut aussi connaître les critères de classement des résultats, histoire de savoir ceux qu’il va consulter et ceux qu’il va écarter. Et là, c’est le flou absolu… Enfin pas totalement car, à côté du positionnement payant (Adword ), on sait que la popularité d’un site influence le positionnement. Autrement dit, plus un site est choisi dans la liste des résultats (plus on clique sur le lien pointant vers lui), plus ce site sera mieux positionné à l’avenir. Ceci n’est pas sans effet pervers… car si l’on pouvait s’attendre à ce que cette discrimination positive écrème progressivement les « meilleurs » sites en les faisant remonter en tête de liste, il ne faut pas perdre de vue que ce plébiscite ne s’exerce que parmi les sites déjà positionnés très haut… sur les quelques premières pages. Qui en effet consulte les résultats au delà des 3, 4 premières pages ?

Un autre élément connu joue aussi dans le positionnement : la notoriété du site, c’est-à-dire le nombre de liens existant dans d’autres sites internet et pointant vers le site à positionner. C’est avec la mise en œuvre de pareil critère que l’on s’aperçoit qu’un algorithme froidement mathématique peut malgré tout donner place à une analyse qualitative. On prend en effet en compte (et c’est facile de compter pour un ordinateur qui est une grosse calculette) un nombre : celui des webmasters qui ont choisi de promotionner un site partenaire en plaçant un hyperlien dans leurs pages. C’est un vrai plébiscite, celui-là… sous réserve qu’il ne relève pas d’un simple échange mutuel ou d’un service facturé, ce qui dénigrerait alors la valeur réelle du positionnement.

Tout ce petit monde de la recherche en ligne s’est alors demandé comment faire entrer plus de qualitatif dans le processus de classement… Du qualitatif qui, de plus, réponde aux critères de recherche spécifiques de l’internaute lambda et non à ceux de son voisin. Et c’est alors que les réseaux sociaux ont révélé leur puissance. Le principe d’un réseau social est de mettre en relation des gens qui se choisissent sur base d’affinités personnelles. Il y a des réseaux généralistes rassemblant en ligne des gens qui se connaissent déjà dans la vie de tous les jours. Le but est de continuer les relations de sympathie entamées « in real life ». Il y a des réseaux sociaux qui réunissent des internautes du même secteur professionnel. D’autres encore sont plus thématiques. On y retrouve les amateurs d’un genre musical, d’une préférence gastronomique, d’un sport spécifique, les spécialistes d’une question scientifique, les adeptes d’un courant politique ou philosophique… Ce qui est qualitatif dans la constitution de ces réseaux, c’est la liberté d’accepter ou non les mises en contact et la gestion de celles-ci en listes spécifiques. Cela permet, au sein d’une même communauté, de n’avoir de relation qu’avec ceux que l’on choisit d’élire en contact personnel. On est tous membres du même réseau où se débat un sujet qui nous rassemble. On bénéficie chacun de ce qui est collectif mais, quand on le souhaite, on partage en aparté, uniquement avec ses contacts privilégiés, ce que l’on estime plus confidentiel. Cela réclame une connaissance des réglages des niveaux de confidentialité prévus par l’interface, mais cela garantit que l’on n’est alors qu’en présence de « gens qui pensent comme nous ». Mieux, si l’on est ouvert à cette idée, on peut élargir le cercle de ses connaissances par le principe central des réseaux sociaux : « les amis de mes amis sont mes amis ».

Si l’on croise cette technologie des réseaux sociaux avec les principes des moteurs de recherche qui classent des résultats correspondant à des attentes d’internautes… on voit l’intérêt. Il s’agit de faire prendre en charge l’aspect qualitatif du référencement par le réseau social des gens qui pensent comme vous. Cela a donc été un challenge pour les opérateurs de la recherche en ligne d’amener la clientèle à s’inscrire dans une session d’utilisateur (avec profil, login et mot de passe) et à ensuite faire accepter de ponter le carnet de contacts d’un de ses réseaux sociaux avec le système. Condition préalable nécessaire pour faire apparaître ensuite dans les pages de résultats d’une recherche des sites que certains de vos contacts ont plébiscités dans vos réseaux sociaux ou sur leur blog, par exemple. A vous alors, de valider ou non cette discrimination positive suggérée par vos proches en accordant de l’attention aux sites recommandés par vos « amis ».

 

Cette tendance à la transparence des relations sur le net étant de plus en plus dans l’air du temps suite à la multiplication des services en ligne, le phénomène de la recherche sociale est occupé à se généraliser. De leur côté, les développeurs de sites ont entamé la mise en œuvre du plébicite de leurs pages internet par simple clic. On voit à l’heure actuelle fleurir de plus en plus des barres de boutons vous permettant de dire de différentes manières et à destination de divers réseaux sociaux, que « vous aimez » telle ou telle page d’un site. Tous ces clics sont une nouvelle manière d’instrumenter le positionnement des résultats d’une recherche. C’est en ce sens que l’on parle donc maintenant d’une recherche en ligne qui se fait de plus en plus « sociale » puisqu’elle est instrumentée par les contacts du réseau auquel on appartient. C’est dire que le positionnement d’un site n’est plus le même pour chaque internaute… mettant ainsi en œuvre le fait qu’un site n’est pas non plus intéressant de la même façon pour tel ou tel internaute. Encore faut-il alors se construire un réseau social fiable, concernant les requêtes que l’on veut mettre en œuvre. Autrement dit, si je décide dans le cadre d’une recherche, de me mettre à l’école de tel ou tel, autant bien choisir ses condisciples de classe et le professeur à qui l’on accordera momentanément le crédit de piloter la réflexion. En effet, si c’est à d’autres que je délègue pour partie le droit d’orienter mes propres recherches, autant le faire avec des personnes qui méritent ma confiance, des personnes à qui je reconnais une expertise suffisante sur les sujets qui me mobilisent, au point de me rallier à leur avis.


C’est un fait, la recherche en ligne se fait de plus en plus sociale

Partie 2 : Partager sa veille en ligne, oui… mais en privilégiant « l’opt in »

 

Michel Berhin, Chargé de mission en Education aux Médias

 

Ils sont de plus en plus nombreux les moteurs de recherche qui intègrent désormais les plébiscites de vos amis dans le référencement des sites pour leurs pages de résultats. C’est une démarche dont tiennent de plus en plus compte les développeurs de sites qui incrustent dans leurs pages les outils sociaux de partage. Mais c’est également une démarche collaborative que l’internaute peut mettre en œuvre en dotant son navigateur des applications complémentaires nécessaires.

 

Connaissez-vous les machines de guerre de la recherche en ligne ? Quand on pose la question en formation -mais j’imagine que ce serait le même en entreprise, dans les ministères, dans les maisons de repos, etc.- la réponse fuse : Google. Certes ! Un grand nombre d’internautes l’utilise, à tel point que l’on n’est pas loin d’un monopole. Monopole qu’instrumentaliserait d’ailleurs le géant américain de la recherche par une politique draconienne d’exclusivité en matière d’insertion publicitaire. Mais disons-le : il n’y a pas que Google. Yahoo est son concurrent de la première heure[6]. Annuaire des débuts de l’internet grand public, il a du revoir sa technologie pour assurer un aussi bon service que son homologue de Mountain View.

Le duo des pionniers est pris en chasse, depuis de longues années déjà, par une meute de plus petits opérateurs, lesquels assurent parfois la concurrence en se situant dans une niche thématique : moteurs de recherche spécialisés en médias d’info[7], en questions scientifiques et médicales[8], en justice[9], en net-profiling[10]…. Des regroupements se font aussi fréquemment[11], pour augmenter la capacité de concurrence. Ceux qui voudraient être tenu informés de l’évolution de ce marché trouveront sur le site Abondance.com d’Olivier Andrieu de quoi satisfaire leur curiosité. Parmi les ténors de la localisation d’infos, on retrouve bien sûr aussi des grands groupes de l’équipement informatique. Ainsi citons, entre autres, Microsoft (Windows Live) qui, lui aussi, a misé sur le développement d’un moteur de recherche, Bing, pour accrocher une clientèle à laquelle il propose par ailleurs une vaste gamme de produits en ligne. Google, Yahoo, Bing, Altavista, Exalead, Alltheweb, Lycos et bien d’autres… une fameuse armada au service de votre recherche en ligne !

 

Tous ces outils automatisés travaillent la problématique de la localisation d’infos en constituant des bases de données. Les algorithmes de gestion de celles-ci produisent des pages de résultats en réponse à des requêtes énoncées sous forme de mots-clés libellés dans une syntaxe spécifique. Tout le problème pour l’utilisateur est de savoir sur quels principes de classement ces résultats sont agencés. Pendant une dizaine d’années, au moins, les classements étaient établis sur des critères quantitatifs, les seuls qui puissent réellement faire l’objet d’une programmation informatisée (voir notre analyse précédente).

Depuis l’émergence des réseaux sociaux, la réflexion humaine devant présider à un classement qualitatif est instrumentée par le recours à des instruments de plébiscite : les boutons « J’aime » et tous leurs équivalents.

 

Ainsi, comme l’annonçait Vincent Hermann, le 17 mai dernier, « Bing se veut plus social et prendra en compte l’avis des amis[12] ». C’est par un « pouce en l’air » que les sites plébiscités par vos contacts seront estampillés dans les pages résultats du moteur de MSN. Ce faisant, il rejoint la tendance déjà amorcée par Google qui pratique de la sorte en compilant les usages des internautes référencés auprès de ses services. Car bien sûr, la technologie sociale de Bing fonctionne exclusivement pour les « clients » MSN, alors que celle de Google est réservée, elle aussi, à sa clientèle. A vous de choisir donc, la communauté au sein de laquelle vous voudrez tirer profit de vos relations sociales en ligne. Mais libre à vous aussi, de vous abonner simultanément à plusieurs services.

Collective IQ

Vous l’aurez compris, d’un simple moteur de recherche, on bascule vers un produit mixte intégrant aussi un moteur de recommandations. En février 2011, seule la version américaine de Google bénéficiait de ces développements technologiques, mais la généralisation ne s’est pas faite attendre longtemps. Fin mai, Florian Karmen évoquait sur son blog les nouveaux services de Google Social Search en français : « Lorsqu’un internaute est connecté avec son compte Google sur le moteur, et que son compte Twitter ou Facebook est lié à ce compte Google, il voit apparaître sous certains résultats des recommandations de son cercle d’amis. Google Social Search ne prend pas seulement Twitter & Facebook en compte mais également les contacts Gmail, les flux RSS de Google Reader, Google Buzz, FriendFeed et Flickr. » En fait, à partir du moment où les internautes acceptent de fonctionner sur le web au sein d’une session privée (chez Google ou Bing, par exemple[13]), et qu’en utilisant des services en ligne, ils créent eux-mêmes les ponts avec d’autres internautes (et à plus fortes raisons si ceux-ci sont aussi clients dudit fournisseur) alors, les algorithmes sont en mesure d’intégrer toutes données produites par vos contacts et les marquer d’un picto dans la liste des résultats. Ce que Google appelle « Collective IQ »… l’intelligence collective.

Le bouton Google+1 qui apparaît sur de plus en plus de sites qui réclament votre plébiscite, vous permet de partager publiquement des informations avec le monde entier. Avec le bouton Google+1, vous et les autres internautes pouvez bénéficier de contenus personnalisés fournis par Google et ses partenaires. Lorsque vous attribuez un +1 à un contenu, Google enregistre cette opération, ainsi que des informations relatives à la page à partir de laquelle vous avez cliqué sur le bouton +1. En lieu et place du picto représentant le « pouce en l’air » de Bing, Google associe carrément la photo –plus convaincante sans doute- de votre contact… (à condition, il est vrai que votre contact ait téléchargé une photo sur son profil Google). Mais il n’y a rien d’étonnant à cela, puisque le système gère en l’occurrence, des infos que les internautes acceptent de rentrer eux-mêmes – naïvement ?- dans la base de données. Certes, il est possible de régler des paramètres pour contenir dans certaines limites, la publicité des actions que vous menez, une fois votre session ouverte. Comme le dit Google, en forme de clin d’œil : « Pas besoin que tout le monde sache que vous cliquez sur le bouton « J’aime » du site de Bob l’éponge.[14] ». Mais c’est à vous de régler ces niveaux de confidentialité car sinon, toute interaction faite dans votre session –dite privée- « peut également apparaître sur d'autres sites Web et dans des annonces sur Internet [15]». On est loin de surfer en toute confidentialité, si on n’y prend pas garde. Un risque qui est bien réel mais qui n’est pas propre aux sessions sociales… Il est en effet des sites qui instrumentent
–mais est-on encore dans les limites de la légalité ?- vos clics de façon publicitaire, « à l’insu de votre plein gré[16] ». Ainsi, le site logé à l’adresse http://www.getawy2.info/ a-t-il incrusté un renvoi en publication sur votre profil Facebook sur chacune de ses vidéos. Un clic curieux de votre part sur une vidéo au titre tapageur (par exemple : Cette fille n oubliera plus jamais d eteindre sa webcam! )… et zou, celle-ci se retrouve sur votre mur… au vu et au su de toute votre communauté. Imaginons un instant que l’on généralise cette pratique contestable… Plutôt que d’en référer à l’intelligence collective, c‘est plutôt « Big brother » qu’il faudra évoquer ! Jusqu’où se laisseront faire les internautes ? Sans doute faut-il plutôt réclamer un usage « opt in » (je dois cocher pour marquer mon accord) plutôt que « opt out » (par défaut, on ne demande pas mon avis). En d’autres mots, préférer un système où le partage de ce que l’on destine à son cercle d’amis est mis en œuvre manuellement, et à la pièce. C’est en ce sens que ce sont développés de nombreux outils complémentaires qui instrumentent le partage de ressources découvertes en ligne. A commencer par les barres de boutons incorporées dans les pages HTML que vous visitez. L’initiative en revient donc au concepteur du site qui espère ainsi que vous ferez connaître sa publication à un plus large public. L’intérêt pour eux, c’est que la promotion que vous faite soit augmentée de la valeur que représente votre crédibilité. On le sait, comme pour un produit de consommation, un site promu par un proche est certainement plus attractif qu’une pub qui vous tomberait sous les yeux, sous forme de bannière publicitaire par exemple. Cette technologie sociale se développe donc largement. Mais tous les créateurs de sites ne sont pas encore au fait de cette incrustation des boutons « J’aime » et autres « Google+1 » sur leurs pages. S’il veut partager ses découvertes, c’est donc à l’internaute surfeur de s’équiper. Des barres d’outils pour promotionner, il y en a qui s’installent tels des « plugs in[17] » à votre navigateur. Parmi toutes celles-là, une a notre préférence : le module « Add this » de Firefox. Une petite icône est présente en permanence dans votre barre d’outils Firefox. Quand vous êtes en présence d’une page qui présente un intérêt certain, vous cliquez sur le petit bouton et une gamme de raccourcis vous permet de choisir par quelles voies vous allez communiquer votre trouvaille. Les possibilités vont du simple envoi mail au recours plus sophistiqué d’outils de publications en temps réel, à flux (Rss) tendu. Mais là, nous sommes bien dans le « opt in », la décision volontaire de publier, et non le clic « Partagez… à l’insu de votre plein gré ».

 

 

 

 


C’est un fait, la recherche en ligne se fait de plus en plus sociale

Partie 3 : Les réseaux d’experts au service d’une veille intelligente

 

Michel Berhin, Chargé de mission en Education aux Médias

 

Ils sont de plus en plus nombreux les moteurs de recherche qui intègrent désormais les plébiscites de vos amis dans leurs pages de résultats. Mais à côté de ceux-là qui rendrent la recherche en ligne plus sociale, il y a aussi de nouveaux outils qui apparaissent[18]. Ce sont de véritables chefs d’orchestre d’une identification experte des sites répondant à vos critères personnels de recherche. Encore devez-vous bien sélectionner avec qui vous partagez l’exercice de cette veille intelligente. ROI[19] garanti ? Qui sait.

 

Surfer sur Internet pour y chercher des informations, voilà un réflexe devenu courant aujourd’hui. A tel point que certains pédagogues s’inquiètent de ce « tout à l’ordi » qui s’installe parfois dans les pratiques documentaires de leurs élèves. En effet, la recherche en ligne pose toute une série de nouvelles questions liées à la spécificité des nouvelles technologies, non seulement quant à la méthodologie de recherche, mais aussi concernant le sens critique (un classique en recherche documentaire) mais qui doit trouver sa déclinaison
« online ». Crédibilité des sources, recoupement des infos… Tout un art. Cela justifie une longue et légitime réflexion, pour laquelle nous renvoyons à nos analyses précédentes[20]. Ce que nous voulons mettre en évidence ici, c’est que ce temps passé et cette expertise numérique acquise progressivement constituent un capital intellectuel important, à tel point que plus d’un valorise financièrement celui-ci dans des actes professionnels facturés. On observera toutefois que la pratique en ligne des réseaux sociaux a induit une autre manière de se comporter qui est sans doute toute aussi intéressante : la veille ou l’expertise partagée. Selon quel modèle économique, demanderez-vous peut-être ? Celui de l’échange entre pairs. Un win-win non monnayé mais terriblement rentable.

 

A côté des réseaux sociaux grand public qui prolongent sur Internet les relations que vous entretenez dans la vie réelle, se développent de plus en plus des réseaux experts qui ont comme objectif de mutualiser des savoirs, des compétences, des ressources, etc… Il est un paramètre important au coeur de ces pratiques : gagner du temps ! Non pas d’abord dans le sens : « Time is momey » mais plutôt en partant du constat que de partager des infos au moment où elles vous tombent sous les yeux prend bien moins de temps que de rechercher celles-ci (ou d’autres) quand vous en avez fichtrement besoin et que vous êtes dans le rush d’une tâche à réaliser. A la base de cette attitude : le réflexe du « ça peut toujours servir… pour moi ou pour un autre ! » C’est d’ailleurs selon ce principe que tout documentaliste constitue une base d’infos qu’il consultera le temps venu. Nécessité, dès lors de catalographier intelligemment de sorte à retrouver rapidement l’info stockée. C’est déjà une pratique décisive à titre personnel. Cela le devient encore plus dans un groupe de travail, au sein d’une entreprise ou d’une association. Organiser la mise en partage des ressources documentaires d’une équipe : un métier -métier bien connu : celui de bibliothécaire- qui se décline de façon nouvelle depuis l’émergence des nouvelles technologies de réseaux.

 

Découvrant une page internet particulièrement intéressante, je suis facilement en mesure d’en mémoriser l’adresse URL[21] de sorte à y revenir en d’autres circonstances, notamment quand le besoin sera plus sensible d’exploiter véritablement le contenu informatif du document. La pratique est simple : je mets un signet, un marque page, je « bookmarke », j’enregistre en favoris. Ces termes désignent tous la même démarche. Mais ma référence est inscrite dans ma machine, dans un fichier lié à mon navigateur. C’est seulement sur mon ordinateur que j’en retrouverai l’usage. Si je veux partager l’URL trouvée avec un collaborateur, la pratique est aussi simple : « J’envoie vers » le lien de ladite page. Une fonctionnalité logée dans le menu déroulant « Fichier » de mon navigateur. C’est un mail qui sera alors adressé avec, en corps de message, l’hyperlien vers la page HTML concernée. Je peux d’ailleurs m’envoyer de la sorte le lien, si je veux le retrouver sur une autre machine que celle sur laquelle je suis occupé à travailler. Celle de mon domicile, par exemple. Mais la pratique « dans les nuages », celle que l’on nomme de l’anglicisme « Cloud computing » me permet depuis quelques temps déjà de mémoriser mes favoris directement sur le net, accessibles dès lors de n’importe quel poste connecté. A partir du moment où j’entre dans cette logique d’un service en ligne qui fonctionne par session privée, je peux opter (c’est un opt in  - Cf notre analyse précédente[22]) pour le partage de cette info. En effet, si je communique l’adresse URL de la page sur laquelle je stocke toutes mes bonnes adresses en ligne, d’autres pourront en bénéficier. De plus, ils gagneront un temps précieux si, se servant de mes mots-clés (des tags qui me permettent de cataloguer et de retrouver mes liens par thèmes) ils interrogent ma base de données personnelle. Dans cette logique, plusieurs utilisateurs croisant leurs efforts respectifs seront encore plus performants.

 

Divers outils permettent ce partenariat de veille en ligne. Delicious[23] travaille dans une mise en page très textuelle alors que Pearltrees[24] visualise les choses de façon plus arborescente. Twitter[25] publie par courts messages de 140 caractères maximum… Nécessité de faire court et bon en intégrant le lien URL de la source en ligne que l’on veut faire connaître à son réseau de contact (les followers). Ces outils révolutionnent la recherche en ligne. Ils la développent dans un sens social encore plus engagé. Le concept est bien que l’on échange des ressources, ou à tout le moins que l’on en partage. Que ce soit de façon mutuelle (deux à deux) ou non importe peu. Ce qui est essentiel, c’est que celui qui veut bénéficier des apports documentaires de tels ou tels puissent identifier les experts auxquels il accorde son crédit. C’est finalement là que tout se joue, quand il s’agit de repérer les leaders d’opinions qui vous conviennent. Car, comme les grosses machines de guerre de la recherche documentaire en ligne (les Google et autres Bing) l’instrumentalisent aussi, les référents experts sont différents pour les uns et pour les autres. C’est vous qui acceptez la mise en contact privilégiée au sein d’un réseau (« mes amis ») … et de ce fait, les informations qui vous sont fournies ne sont pas les mêmes que celles données en partage au sein d’une autre configuration réseau…

 

Dans ces configurations d’échanges experts, il importe de bien savoir à l’école de qui l’on se met. En effet, toutes proportions gardées, agir de la sorte revient à s’abonner à un journal (une ligne éditoriale) plutôt que de rechoisir à chaque fois le support d’information que l’on va consulter. Avantage indéniable point de vue temps. Mais risque aussi de passer à côté de nouveautés qui surgiraient lors d’une recherche que l’on effectuerait soi-même. Bien évidemment, ce choix de vouloir suivre la ligne éditoriale (les favoris, les tweets ou les arbres à perles) peut se renégocier… comme l’abonnement à un journal… Encore faut-il en avoir la volonté et en prendre le temps… Nettoyer son carnet de contacts est en effet une tâche que plus d’un reporte au lendemain, comme pour d’autres, faire son lit ou ranger son garage.

 

L’apparition de ces outils sociaux de veille collaborative a révolutionné la recherche d’infos de beaucoup. En effet, l’usage des tags dans des plates-formes comme Delicious (appelés aussi hashtags dans Twitter) autorisent une recherche standardisée dans une série de sites internet qui ont été sélectionnés par des internautes motivés. Bien sûr, quand on procède à partir de la page d’accueil d’un Twitter Search ou de Delicious.com, les référenceurs sont l’ensemble des utilisateurs de la plate-forme. Ils sont légion et vous ne connaissez pas leur degré d’expertise. On n’est pas alors mieux loti en matière d’identification des critères de plébiscite de tel ou tel site qu’avec un moteur classique. Mais ces interfaces permettent la constitution de mini réseaux… (l’équivalent de vos listes d’amis dans Facebook, par exemple). Aussi, l’usage du moteur de recherche à l’intérieur des pages référencées par vos relations privilégiées vous met-il en présence des seules recommandations labellisées par vos contacts. Il est en effet possible d’utiliser la recherche sur un mot-clé pour retrouver ses propres favoris, de procéder de la même façon pour fouiller dans les bonnes adresses des membres de vos mini réseaux ou enfin, pour entreprendre une recherche dans l’ensemble des perles de la communauté des utilisateurs de la plate-forme. C’est une riche collaboration qui est ainsi rendue possible. Et puis, si vous partagez des affinités plus particulières avec tel ou tel collaborateur, au sein d’une l’équipe locale, mais aussi pourquoi pas à l’autre bout du monde, vous pouvez suivre l’actualité de ses mises en favoris. La page Delicious de votre collaborateur constitue le journalier de ses bonnes pêches sur le net, comme le fait ses comptes Pearltrees ou Twitter.

Démarrer sa journée en surfant quelques moments sur ces ressources bien choisies vous donne accès à une mine de renseignements actualisés… et validés. Pas du temps perdu ! Vous découvrez ainsi une certaine tendance du net, par l’intermédiaire de vos collaborateurs en veille. Et à votre tour, quand vous découvrirez des informations que vous jugerez de bonne facture, de haute valeur ajoutée, vous ne manquerez pas de renvoyer l’ascenseur en les référençant, non seulement pour vous-mêmes dans votre liste de favoris (ou de marque page, bookmarks…), mais aussi avec l’idée que vous partagez par la même occasion –et sans que cela ne vous coûte du temps supplémentaire- ces ressources pour une communauté plus vaste qui fonctionne par échanges entre pairs. Besoin d’un modèle économique à tout prix pour justifier votre démarche ? Imaginez déjà le temps gagné à repérer toutes ces bonnes adresses sur la toile, lesquelles arrivent à vous avec une validation qualitative ! Mais dites-vous aussi que ces premiers contacts ne resteront sans doute pas très longtemps sans lendemain. La mise en réseau est classique pour les gens qui se connaissent déjà (Facebook en est un bel exemple). Mais il y a fort à parier que la démarche fonctionne de façon symétrique et que les contacts virtuels établis entre personnes qui ne se connaissent pas encore débouchent sur des opportunités de collaboration plus conséquentes dans la vie réelle. De là à se rencontrer en présentiel… il n’y a sans doute qu’un pas qu’une situation de travail ne manquera pas de susciter. Retour gagnant, vraisemblablement !



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