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Internet et les jeunes - Enquete 2001


C’est en forgeant que l’on devient forgeron

Il faut oser l’Internet avec les jeunes


Un échantillonnage d’enquête bien ciblé, plus de 300 jeunes de 13 à 18 ans répondant à un questionnaire, des entretiens complémentaires avec un groupe test : voilà une batterie d’investigation qui a permis de rassembler des témoignages précis. Le recoupement de ceux-ci avec les avis d’autres jeunes autorise aujourd'hui une vision représentative des comportements et des besoins de nos adolescents face à ce nouveau média qu’est Internet.. Un besoin en ressort criant : pratiquer Internet pour s’en faire une représentation correcte et partant, y confronter un esprit critique pour des usages toujours plus variés et responsables.


C’est un rapport d’une centaine de pages qui présente les résultats de cette enquête réalisée en Communauté française de Belgique, auprès de plus de 300 élèves issus de quatre établissements secondaire. Ces écoles ont été sélectionnées de manière à correspondre aux critères ayant présidé à une première enquête menée au Québec en 1999 (1). La volonté des chercheurs belges du GREMS (2) étaient de répondre à une demande de leurs collègues de l’université de Sherbrooke,  de collaborer à ce premier chantier en y apportant des chiffres de comparaison, et partant, des éléments complémentaires d’analyse. Des équipes française, italienne, portugaise, espagnole et Suisse ont également apporté leur concours. Le rapport final de cette collaboration est encore à paraître. Chaque pays a toutefois déjà entrepris la publication de sa propre analyse.


Le Panel

Comme dans chaque pays participant, les quatre établissements belges retenus sont représentatifs de quatre situations de terrain : usage fort et usage faible des Technologies de l’Information et de la Communication dans l’Enseignement (TICEs) et identité sociale forte et faible des milieux scolaires pressentis comme terrain d’expérimentation. Des 500 questionnaires distribués en Belgique, un peu plus de 300 sont rentrés pour le dépouillement. Les résultats ont été intégrés à la base de données québécoise et, selon des critères de représentativité, une vingtaine de profils ont été retenus pour entretien complémentaire, de sorte à doubler le volet quantitatif d’un groupe test qualitatif.
Pour l’énonciation des résultats, il a été tenu compte des catégories d’âge, du degré d’équipement informatique à domicile, du sexe des répondants et de ce que ces derniers estimaient être leur fréquence d’utilisation de l’ordinateur et d’Internet à domicile et en classe. Sur base de ces catégories, un certain nombre d’observations et commentaires ont été rédigés qui ont permis la rédaction finale de conclusions… toujours provisoires, puisque le rapport dit bien  s’être exprimé, « non sur un fait, ni non plus sur une situation, mais avant tout sur une dynamique d’évolution dans la communication sociale (3) ».


Objectifs

L’enquête visait à répertorier les usages d’Internet que nos jeunes pratiquent le plus volontiers et ce, dans leur navigation tant à domicile (s’ils sont équipés) qu’à l’école. Partant de cette liste d'usages, l’entretien cherchait à percevoir le degré de compréhension de l’objet « Internet » par ces utilisateurs, le niveau de vigilance auquel ceux-ci arrivent par un accompagnement différentié : qui à l’école, qui à domicile avec les parents ou les amis, qui seul ou accompagné, à partir d’un cyber-café ou de tout autre lieu public. Cette dernière partie était abordée en demandant aux jeunes interviewés de dire ce qu’était pour eux « Internet » (représentation) et comment ils s’en servaient concrètement. Il leur était aussi demandé «qui» ils imaginaient être à la tête de cette « infrastructure » et quels dangers éventuels courraient les utilisateurs, dangers pour lesquels on les invitait à formuler des pistes d’éducation/prévention de l’internaute novice.


Utilisation d’internet, globalement

Les plus grands utilisateurs sont les garçons de plus de 15 ans, élèves d’écoles à forte identité sociale, équipés à la maison, et lesquels ont souvent fait leurs premiers pas à l’école. Si les filles les suivent dans leur usage d’Internet, ce n’est que plus récemment (décalage d’un an à un an et demi). Les plus jeunes, eux, ont commencé le plus souvent leur pratique en ligne à domicile.

Equipement à la maison
Dans les familles, l’ordinateur est là à 88 % pour les enfants d’école à forte identité sociale (contre 51 % pour les milieux à faible identité sociale) et Internet est connecté dans 54 % des cas (contre 32 % pour les élèves issus d’une identité sociale plus faible). Une connexion qui remonte à plus d’un an, généralement

Utilisation à domicile

De l’ordi
Les filles seraient plus nombreuses au clavier, mais plus occasionnellement. Les plus jeunes, seraient des usagers plus fréquents. Si Internet est là, l’utilisation de l’ordi en ressort renforcée.
Le PC. est visiblement prioritairement aux mains des enfants (49 % : rien que les enfants + 37 % : utilisation à part égale avec les parents), bien que le plus souvent placé dans le bureau parental.
L’usage est d’abord récréatif, même si les filles sont celles qui en font, en plus grand nombre, un usage scolaire (13 % contre 10 % pour les garçons).

D’internet
Les filles sont plus grandes utilisatrices du Net, et avec une plus grande fréquence (40 % contre 21 % pour les garçons). Pour un usage essentiellement récréatif toutefois. Plus on est jeune, plus ce schéma est renforcé. La majorité des ados (67%) ne sont pas interrogés par leurs parents sur leur usage du réseau. Si certains sont plus suivis par leurs parents, ce sont les garçons, surtout les moins de 15 ans (36 %).
Si, comme on l'a dit, les filles ont un usage plus familial de l’Internet, les garçons sont plus solitaires, d’autant plus qu’ils sont âgés. Ce sont pourtant des filles qui sont également les plus grandes utilisatrices solitaires du web. Leur catégorie occupe donc les deux extrêmes (compatibles) du tableau, pour ce critère d’observation.
Les loisirs qui semblent avoir été concurrencés par l’apparition de cette nouvelle activité des jeunes, sont : la lecture pour son plaisir (-24 %) les jeux vidéo (-14 %) la télévision (-31 %) et les cassettes vidéo (-25 %). Avec une dominante globale de ces comportements chez les garçons, les plus âgés rognant plus sur la télé et les jeunes sur les jeux vidéo et la lecture.


On est donc en mesure de formuler quelques observations. Le raccordement Internet à domicile ouvre les usages des jeunes... mais maintient les clivages d’une société duale aux identités sociales multiples : les familles composant les milieux à faible identité ne comptabilisent que 51 % de possesseurs de PC contre 88 % pour les autres. Internet n'est accessible que chez 32 % d'entre elles seulement, contre 54 dans les familles composant les milieux à forte identité sociale.
Toutefois, les filles et les garçons ne semblent pas gravement discriminés dans leur accès, même s’il apparaît dans la suite des chiffres rapportés, que les usages semblent s’orienter différemment selon les sexes et que l’on doive pressentir ce qui semble être "des spécificités de genre".


Quelles activités
Les filles sont celles qui mettent la priorité sur les moyens de communication (mail, chat, forum), les aspects techniques (recherches d’images, de jeux et création de pages) étant plus le domaine des garçons. Les plus âgés des ados sont orientés vers un usage scolaire (aussi),  les plus jeunes étant plus portés sur le ludique. En termes de fréquence, les élèves des écoles à faible identité sociale semblent privilégier les démarches de communication dans leurs usages du net . Mais assez paradoxalement, ce sont aussi les premiers à émettre des réserves sur l’apport positif de l’Internet en fait de communication (4).

Les conclusions du rapport belge développent donc l’importance de ce facteur culturel que représente la famille dans l’appropriation d’Internet : "l’assimilation par cet usage domestique qui semble développer des compétences d’utilisateur plus pointues dans l’exploitation des logiciels" et des "compétences liées aux  problèmes de configuration technique auquel confronte l’usage domestique d’Internet ». En réponse à ce premier volet d’observations, il semble bien qu’il faille insister sur l’importance de l’accès complémentaire rendu possible dans les écoles, suite aux plans d’équipement des régions wallonne et bruxelloise, et au rôle démocratique que cette institution de service public doit jouer en regard de l'accès domestique encore trop peu généralisé.


Internet à l’école
Seuls un peu plus de la moitié des jeunes sont allés sur Internet, via l’école.
La plupart du temps (72,5 %) l’accès a été réalisé lors de cours. Les établissements à fort usage des TICEs ont également permis l’accès libre. Ce sont les 1er et 3ième degrés qui ont été privilégiés dans cet accès. Il apparaît que cette pratique génère un renforcement de l’usage global d’Internet par le jeune (à l’école, pour les travaux  et à domicile pour les loisirs).

Mais plus qu’un simple instrument d’accès à l’outil, l’école se doit de développer une véritable éducation au média Internet, de sorte à ce que les utilisateurs puissent mettre en place "une réflexion active sur ce média de communication : ses contraintes, ses possibilités, ses risques, sa comparaison avec les médias plus traditionnels, les qualités de communication qu’il permet, son évolution, ses effets sociaux économiques et culturels".  Sur ces questions, les jeunes sont peu formés. Or, durant les entretiens, ils ont manifesté de l’intérêt à réfléchir à ces thèmes. "Mais les outils notionnels et conceptuels leur font encore défaut. Il y a là, si on n’y prend pas garde, un risque de déficit démocratique" (5).


Pratiquons donc


On s'étonnera peut-être des commentaires des chercheurs sur les réactions des adolescents, quand on leur demande de dire ce qu'est Internet, les dangers qu'ils pressentent et l'appréciation qu'ils font de la difficulté à manipuler la technologie. En effet, ceux-ci relèvent assez naturellement "des différences de perspicacité", un usage du réseau qui "colle de près à leur monde économique et culturel". Les chercheurs s'étonnent dès lors de ce que le Net se soit pas d'abord un tremplin de "nouvelle liberté". Leurs observations signalent que "les visions d'Internet (entendez les représentations qu'ils s'en font) sont très clairement liées aux usages déclarés qualitativement et quantitativement. Les visions les plus marquées (comprenez les plus affirmées) sont toujours le faits de grands utilisateurs… l'usage apparaissant donc comme le facteur actuellement indispensable à la construction d'une vision d'Internet par les jeunes " (6). Il n'y a là rien que de plus normal. C'est la pratique d'une réalité qui en rend sa perception possible. C'est le degré de satisfaction rencontré dans l'utilisation récurrente qui en manifeste les avantages. C'est la confrontation à son usage pervers qui en révèle les limites,.


Quels sites
Le divertissement, le culturel et l’artistique viennent en tête des sites visités prioritairement, avec les lieux de communication en ligne. Avec une prépondérance notoire de ceci pour les filles. Par contre, les sites traitant du sport, de l’informatique et d’Internet sont plutôt la cible des garçons.
Les sites visités sont essentiellement francophones ( 94 %). Les jeunes internautes leurs seront fidèles, car ils disent y retourner par la suite (à 84 %), par le recours aux signets notamment. Leur identification provient essentiellement des amis et des médias, en plus du surf interactif sur le net. Un chiffre étonnant : 55 % des jeunes disent s’être fait de nouveaux « amis » sur le web et ce, dans une proportion de 65 % pour les filles contre 47 % chez les garçons, (avec un renforcement chez les aînés, issus de milieux à faible identité sociale et non équipés à domicile).

Les représentations que l’on se fait d’Internet
Outil de communication et de documentation, Internet est essentiellement défini par les jeunes en proportion des usages qu'ils en ont ! La connotation des définitions n’est négative que dans 6 % des cas, avec à ce moment, des allusions au manque de fiabilité des contenus, à la présence de la publicité ou de la pornographie, au coût de connexion, à la violation de la vie privée.
Internet, un outil révolutionnaire ? Oui, dans la majorité des esprits (81 %), mais plus chez les garçons que les filles, et moins chez ceux qui l’utilisent plus rarement. Les a priori quant à la facilité d’utilisation sont surtout présents chez les utilisateurs patentés. Les effets pervers de la vie communicationnelle ne sont guère mis en évidence, sauf chez les utilisateurs moins fréquents (se disant toutefois de plus grands communicateurs) issus d’une identité sociale plus faible. Deux tiers des utilisateurs sont confiants dans les ressources qu’ils localisent sur le Web. A nouveau, les plus méfiants sont les moins expérimentés. Le même clivage se constate autour de la question du  caractère incontournable d’Internet dans l’avenir et sa nécessaire maîtrise pour un accès futur au monde du travail. 80 % des utilisateurs fréquents en sont convaincus !

                                     
La chose semble claire, la lucidité dans les usages, et partant, l'esprit critique face à ce nouveau média ne peuvent s'acquérir que par une intensification des pratiques. Les chercheurs soulignent donc, dans leurs conclusions, l'importance des accompagnateurs : "parents, enseignants et tierce éducation (mouvements de jeunesse, associations, voisinage…)" (7). Ils reconnaissent certes que "les compétences détenues par les jeunes résultent en grande partie des formations spontanées qu'ils se sont réciproquement partagées, … ces compétences touchant autant aux aspects techniques, aux procédures d'utilisation, qu'aux méthodes intellectuelles de documentation, de compréhension et d'expression maîtrisées par les élèves". Mais ils soulignent aussi que si "ce dernier niveau est partiellement enseigné dans les écoles, les compétences qui font le plus incontestablement défaut aux élèves, concernent la réflexion et la problématisation d'Internet en tant que médias et de ses conséquences sur la vie personnelle et sociale" (8).
Dans les réponses formulées lors des entretiens, "ce qui frappe, c'est en général, la conscience du risque semble faible en début d'entretien et s'accroît avec l'évolution de celui-ci, lorsqu'il s'agit pour le jeune de raisonner sur les risques, leurs victimes et leurs conséquences (9)", avec l'adulte chargé de le questionner. On ne redira donc pas assez l'importance dans l'apprentissage, du questionnement, de la méta cognition, véritable maïeutique socratique que l'enseignant, le parent ou la tierce éducation peut enclencher. Cette interrogation sera d'autant plus pertinente que le jeune aura pu s'investir lui-même dans l'expérimentation du Net. Cette pratique sera toutefois plus bénéfique si elle est accompagnée de la présence d'un adulte ou d'une personne expérimentée aidant à "penser le parcours, ses attraits, ses limites et parfois aussi ses risques".


[Note]
C-M. Pons, J. Piette, L. Giroux et F. Milerand, « Les jeunes Québécois et Internet (représentation, utilisation, appropriation) », 1999, Ministère de la Culture et des Communications, Gouvernement du Québec, 328 p. Une synthèse de ce rapport est disponible sur le site Internet du Ministère de la Culture et des Communications Québécois à l’adresse :  LIENHYPERTEXTE http://www.mcc.gouv.qc.ca/pubprog/brodepli/faits-saillants.htm http://www.mcc.gouv.qc.ca/pubprog/brodepli/faits-saillants.htm
Groupe de Recherche en Médiation des Savoirs, au sein du département de Communication de l’UCL/LLN.
« INTERNET ET LES JEUNES - Rapport de la partie belge francophone de la recherche », GREMS, UCL, Louvain-la-neuve, 2000, p. 94.
Idem , p 44 .
Idem, p 88, passim.
Idem, p 83-85, passim
Idem, p 94.
Idem, p 92.
Idem, p 90.


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