Propagande
Même en photo couleur, la guerre reste une sombre histoire
Images de guerres et
guerres des images : une forme de combat qui prend l’opinion publique pour
cible. Pensiez-vous que la guerre était propre ? Depuis les récentes
images de torture publiées par on-ne-sait qui, il semble que nos
représentations soient alors à reconsidérer! Et nous en sortons meurtris, c’est
normal.
Sévices ou mises en
scène de mauvais goût ? Ces images sont-elles vraies ou sont-elles des
montages ? Qui les a produites et dans quel but ? Qui a intérêt à les
publier ? Que penser de ceux qui s’adonnent à cela ? Penchants
malsains de quelques bourreaux ou techniques d’interrogatoires sciemment
ordonnées ? Le ressenti de ce spectacle est-il différent quand on est
américain, musulman ou spectateur occidental ?
A y regarder de près, pourrait-il s’agir d’images prises sur des sites internet
décrivant les techniques de R2I (Résistance aux interrogatoires) ? Peut-on
imaginer que l’être humain puisse tomber si bas dans l’ignominie ? C’est
pourtant contraire aux accords de Genève.
Ces images choc ont
produit leurs effets. Chacun s’est senti public-cible, sans trop savoir ce
qu’on voulait lui faire croire. Entre divulgation de courriers intimes de
soldats disant leur écoeurement et collection d’images obsènes constituées par
des mercenaires sans scrupule… tout a été imaginé… Y compris les images de
propagande pour déstabiliser l’ennemi et le perdre aux yeux de l’opinion
internationale.
A tout le moins, ces
clichés auront une fois de plus montré que l’image est un message. Que nous
sommes sensibles à ce qu’elle véhicule comme représentation. Que nous y puisons
une certaine vision de la réalité. Lire les images est bien une démarche
cognitive (qui construit la connaissance).
Ce qui est toutefois
insatisfaisant, c’est de constater que ce réflexe de pensée critique ne se
manifeste massivement que face à des images tendancieuses. Bien sûr, dans ces
cas extrèmes où il y a peut-être manipulation, le sens critique se met en
éveil. Alors que pourtant, toute image justifierait que l’on mette en œuvre
notre réflexion.
En l’occurrence,
qu’avions-nous construit comme modèle de la guerre, et que ces images de
torture nous invitent à reconsidérer ? Un concept de guerre propre ?
De guerre sans cadavres ? Des soldats sur fond de couchers de
soleil ? Il est vrai que les photographes de guerre nous fournissent
aujourd’hui des clichés d’une étonnante qualité technique et esthétique. Même
les images du 11 septembre ont été comparées aux films cultes du cinéma
hollywoodien. Cette overdose médiatique nous aurait-elle anesthésié ?
« Frappes
chirurgicales, effets collatéraux »… Depuis la guerre du golfe, on savait
qu’il fallait se méfier des discours très politiques passant sous silence les
faits sanglants et évacuant toute image de victimes… surtout quand il s’agit
des cadavres de ses propres troupes.
Et puis il y a eu
l’Irak et ces images aussi assassines que des tirs de mortier. Des images dont
on aurait pu se passer : un soldat américain venant « moucher »
la statue d’un dictateur déchu du drapeau étoilé de la … démocratie, par exemple.
Même irrévérence lors de l’arrestation de celui qui fut un chef d’état. On ne
blesse pas inutilement la fierté des vaincus. Il faut avoir la victoire
discrète : rien ne sert d’humilier l’ennemi que l’on a maîtrisé. Le droit
de réponse (médiatique) ne s’est pas fait attendre : déballage d’images de
soldats américains, eux aussi mollestés et ridiculisés.
Avec les récentes
images de tortures, on entre dans la surenchère. C’est l’opinion publique qui
est prise à témoin. Ira-t-on plus loin encore dans l’horreur ? Bien
sûr ! Aux images fixes américaines, répondra un plan séquence vidéo
ininterrompu. L’exécution en direct de Nicholas Berg a plus de poids médiatique
qu’un assaut où le nombre des victimes auraient de fait été chiffré en
dizaines. La loi de proximité est appliquée à la lettre : un mort dans
votre salon, à l’heure du repas, a bien plus de retentissesment que mille morts
à l’autre bout de la planête. Fût-ce dans le même conflit.
A-t-on pu oublier que,
de riposte en représailles, la guerre
est toujours affaire de mercenaires, de guerilleros, de commandos. Il faudra
sans doute revoir nos représentations !
A quoi sert donc un
F2000 de la Fabrique nationale belge, quand il est dans les mains d’un soldat
en temps de guerre ? Et à qui espère-t-on en vendre, nous qui sommes en
paix ? Savez-vous que la FN se désespère de cette perte de marché qu’elle
risque d’encourir du fait de l’attitude récente du Ministre belge de la défense
nationale… Des emplois ne seront peut-être plus garantis ? Raisons d’état
diront certains. Raisons économiques diront d’autres. Et donc, sans doute
(re)verrons-nous prochainement sur nos écrans, nos excellents F2000, ou les
bons vieux FAL (Fusil d’assaut léger) actifs en Irak, en Afghanistan, au
Soudan, au Zaire, au Malawi, en Erythrée…vendus par on-ne-sait quel
intermédiaire (*). La Belgique s’exporte bien : belgian chocolates, bières
artisanales, sirop de Liège, spéculoos de Bruxelles, dentelles de Bruges, fraises
de Wépion, fromage de Maredsous et F2000
de Herstal.
(*) Pas nous !
Pas nous !