Télé, home cinéma…
surround et tutti ampli
Distribution en grandes surfaces, chute des prix, production calibrée pour la famille moyenne de la ménagère de moins de 50 ans… évolution des standards et hop… vous vous retrouvez avec une nouvelle télécommande en main. Mais n’est-ce pas vous qu’on télécommande… à acheter ?
Edito
Dans la société de consommation qui est la nôtre, les familles sont sans cesse poussées à l’acquisition de nouveaux biens autrefois réservés à une minorité. De plus, l’amélioration de la technologie, la production massive à bas prix dans des pays émergents et la distribution dans des complexes commerciaux grand public font que la marche commerciale en avant n’a pas de raisons de s’arrêter. Bien au contraire, son accélération a plutôt de quoi faire réfléchir. Dans ce Cahier des médias, vous trouverez une explication de l’évolution technologique qui procède aujourd’hui à la dissémination plus grande des contenus sur supports CD, DVD, DviX... Partant de là, se pose, bien entendu, la question de l’acquisition des consoles mais aussi celle des usages que sous-tendent ces lecteurs qui, par leurs nouvelles capacités, ne resteront sans doute pas sans effet sur la composition même des contenus. Sommes-nous en route, toujours plus, vers une société du spectacle ? Tout porte à le laisser croire. Avec la multiplication des Home cinéma, doit-on craindre une nouvelle fracture technologique ? Pire, faut-il redouter que toute info ne soit plus à l’avenir qu’un clip parmi d’autres. Un produit médiatique pour public avachi, récepteur passif, réclamant pour être tenu en éveil, sa dose quintaphonique… et les effets vibratoires d’un siège multimédia dont on peut supposer que la construction, à l’échelle du grand public, est déjà aujourd’hui à l’étude ?
Rappelons-nous toutefois que ce ne sont pas les technologies elles-mêmes qui sont génératrices de dérapages, car ce ne sont après tout que des machines. Ce sont plutôt nos usages, raisonnés ou non, raisonnables ou non, qui amènent les conséquences, bonnes ou mauvaises. Il en va donc de notre vigilance… Une saine éducation aux médias, en somme !
« Non Monsieur, nous n’avons plus de « simples » lecteurs de CD en stock. Nous ne prenons plus ce risque. Nous n’en rentrerons en magasin que sur commande ferme. La raison ? Tout le monde achète aujourd’hui des lecteurs DVD qui peuvent aussi lire les supports audio.»
Ringard sans nul doute, je demande alors à reconsidérer les choses et fait à nouveau un tour dans les rayonnages du magasin. Je dois réfléchir. Vais-je commander un simple lecteur, ou vais-je suivre la mode : acheter un lecteur-graveur compatible DVD, VCD, CD-R/RW, MP3, avec décodeur son intégré Dolby Digital/DTS ? Misère ! Parti pour renouveler un appareil audio défaillant au sein de ma chaîne Hi fi, voilà qu’il me faut reconsidérer toute ma home-diffusion. Car les prospectus et les affiches, tout autant que les commentaires du vendeur vers lequel je reviens finalement, vont dans le même sens : « Il vous faut maintenant imaginer de façon intégrée votre consommation média… et pourquoi pas, lui consacrer une pièce spécifique dans votre maison : un home cinéma ».
Bien sûr, ce terme désigne d’abord l’appareillage de diffusion que vous y installerez, mais ce qui est sous-entendu, c’est qu’il vous faudra à l’avenir penser « espace spécifique ». Car on vous propose ni plus ni moins d’installer votre « Kinécaprice » à domicile. Une salle de spectacle, du son surround et de la vibration éthérée, rien que pour vous et votre famille… Et vos amis aussi, bien sûr. Vous n’étiez pas prêt à voir les choses ainsi ? Il faudra pourtant vous y faire. (Page 2 +/-) Le son audio, devenu numérique, est désormais le partenaire facile d’un signal image qui connaît depuis plusieurs années une évolution des standards de compression. La mode est au DivX, au MP3, à la TNT… Vous y perdez votre latin ? La faute, cette fois, n’est pas à la Ministre Arena, mais à une technologie qui évolue à un rythme fou.
Histoire de compression
Aux débuts de la recherche en compression numérique, un film était loin de tenir sur un seul support CD, comme cela était possible à l’époque, sur une cassette VHS vidéo, par exemple. En fait, la chose était possible, mais avec une dégradation telle que le résultat était inacceptable. Il a donc fallu mettre au point la technologie compressive. « MPEG » a été le premier format de gestion audio et vidéo qui permit une résolution à l'écran de 352 x 240 pixels pour un débit minimum d'environ 1,87 Megaoctets à la seconde (Mo/s). « MPEG » est un principe de codage qui fonctionne avec des algorithmes basés sur l'estimation du mouvement, et ce afin d’alléger le poids des images intermédiaires en ne compressant que les données ayant changé. Une fois compressées, ces données sont lisibles directement sans plus être décompressées.
Le procédé peut être sous forme de logiciel ou encore de matériel (hardware). Des algorithmes de compression de données permettent, en général, de réduire la taille du fichier original par des facteurs allant de 2 à 100 (voire plus pour certaines applications).
Cette compression se fait soit avec des algorithmes purement mathématiques de compression de données sans perte d'informations (comme un fichier gzip, lequel devra être décompressé avant utilisation) ou par des algorithmes prenant en compte les caractéristiques des données à compresser et qui peuvent perdre des informations dites « non pertinentes ». Ceux-là sont lisibles immédiatement.
Avec ou sans perte
Certains procédés de compression audio –on parle de codecs : COmpression-décompression- peuvent en effet prendre en compte les fréquences non ou peu audibles du spectre sonore telles que les harmoniques et les fréquences très aiguës. On parle alors de compression « destructive », car il y a perte d’informations sonores.
Les « codecs » vidéo MPEG, DivX ou XviD par exemple, utilisent des algorithmes prenant en compte la persistance rétinienne, la différentiation des couleurs par l'œil et d'autres « imperfections » de la vue pour enlever de la compression à effectuer des détails que l'être humain ne perçoit presque pas en temps normal. Il s'agit aussi de compressions dites destructives.(1)
La recherche évoluant, les standards s’améliorent. Le format « MPEG-2 » offrira une résolution à l'écran de 720 x 486 pixels pour un débit minimum de 1,25 Mo/s. Le dernier venu, « MPEG-4 », caracole nettement au-dessus de la mêlée : pour une résolution de 720 x 486 pixels, le taux de transfert (débit) minimum se situera entre 0,15Mo/s et 2,04Mo/s selon le degré de compression, donc de dégradation accepté. C’est lui, le « MPEG 4 » qui a été retenu pour structurer la compression de la TNT, la Télé Numérique Terrestre. Si la compression s’améliore, il était alors intéressant que le stockage évolue. Le compact disque « CD » a fait place au Digital vidéo disque, le DVD. Quel gain, demanderez-vous ? On passe de 650 Mégaoctets à 4,7 Gigaoctets (Go) de contenance et même 8,2 Go dans le cas des DVD double couche. Ce saut quantitatif (de 7 à 12,5 fois plus) couplé à la capacité de compression, ouvre de nouvelles perspectives.
Image et son, même combat
Mais on ne s’est pas arrêté en chemin. Prenons un film classique logé sur support DVD. Il occupera généralement jusqu’à 6 Go. Un DVD pouvant contenir 4,7 Go. Vous voilà donc avec un coffret de deux pièces. Compressé en DivX, ce même film peut aller jusqu’à ne plus occuper qu’environ 600 à 1400 megaoctets, soit une réduction de place de 80 à 90 %. A ce rythme, vous en mettez 3 sur un DVD. Or, pour une telle compression, la perte de qualité est pourtant minime, sauf éventuellement pour les scènes d'action rapide. Divers programmes équipés de leurs codecs sont disponibles pour créer un fichier DivX à partir d'un DVD déjà compressé en MPEG. Le fichier peut ensuite être stocké sur un disque dur, gravé sur un CD-R ou un DVD-R, ou encore partagé sur un réseau peer-to-peer (Ce qui est illégal mais abondamment fait).
Qu’est-ce que cela a à voir avec ma chaîne hi-fi et mon home-cinéma, direz-vous ? Eh bien, cela montre que tout converge vers une uniformisation des standards, et donc des plate-formes et des usages. Sons et images se rejoignent. Home cinéma, Internet, compression et programme par pay-per-view induiront les usages de demain. Et l’on vous invite dès aujourd’hui, à décider quelle pièce de votre habitat vous y consacrerez.
(1) Info reprise à l’encyclopédie Wikipédia : lire articles : Mpeg, Codec et DivX
Le dumping des grandes surfaces
Quand l’homme cinéma rencontre la femme plasma
S’équiper d’un home cinéma à domicile, c’est embrayer dans une nouvelle pratique rivalisant sur le marché avec l’apparition du GPS, nouveauté technologique faisant elle-même suite à la vente massive des GSM, eux-mêmes précédés du passage obligé aux écrans 16/9, qui relayaient l’arrivée massive des micro-ondes et, avant encore…
Mon grand père vendait des machines à écrire et ma tante des machines à laver. Sûr qu’aujourd’hui, s’ils étaient encore dans le négoce, ils auraient dû faire une fameuse reconversion. Car le public-cible de leurs magasins respectifs, les familles, se trouve être aujourd’hui le point de mire des grandes surfaces.
Certes, les magasins spécialisés existent encore, mais se sont adaptés. Ne prenons pour exemple que le slogan de l’un d’entre eux : « Télé, hi fi, vidéo… vous avez bien choisi »… qui s’est complété depuis quelques années du désormais incontournable « Multimédia ».
C’est cadeau
« Multimédia » fut, dit-on, le mot le plus prononcé en 1995, année de son émergence. 10 ans plus tard, « Home cinéma » semble vouloir lui ravir la palme. Car, dans les grands magasins désormais, l’engin prend de plus en plus de place au rayon de l’électro ménager. Ce qui aurait pu encore passer, il y a quelques années, pour un luxe inaccessible ou un équipement de collectivité devient aujourd’hui le cadeau par excellence des fêtes des pères et mères. Les maris se sont faits « homme-ciméma » et les épouses « femmes-plasmas ». En deux we, fin mai et début juin, voilà l’occasion pour votre famille de se ré équiper et de reléguer sans doute l’ancien poste encore en parfait état de marche pourtant, dans la chambre d’un des enfants !
L’article qui ouvre ce Cahier des médias commentait l’évolution technologique qui mit en place la condition sine qua non de la diffusion des consoles familiales : la compression. Depuis, c’est toute la vie de loisirs de la famille qui en est chamboulée. Certes, les programmes télé ont encore leur droit de cité. Mais les locations de films et la vente généralisée à bas prix des copies sur DVD autorisent, que dis-je, commande aujourd’hui que vous personnalisiez vos programmes. Télé numérique et bouquet de programmes sont d’ailleurs la réponse adaptée des câblo-opérateurs à cette pratique de la programmation individualisée.
Ecran plus grand
Nouvelle chance pour le cinéma ? Peut-être bien ! Mais c’est toute la consommation télévisuelle familiale qui en est empreinte. Les téléfilms sont conçus pour le petit écran. Mouvements de caméra et échelle des plans correspondent à ce que vous avez comme rapport visuel avec les dimensions de la lucarne dans laquelle vous regardez. Le ciné grand écran procède donc autrement. Ce qui s’affiche en 20 mètres carrés est spécifique. Imaginez un très gros plan sur un visage qui vous regarde droit dans les yeux (de la caméra)… A la télé, l’effet est presque « grandeur nature »… Sans adaptation, en salles obscures, l’effet friserait le gigantisme. Que sera la perception sur home cinéma ? Les réalisateurs reverront-ils leurs copies ? Changeront-ils leur grammaire cinématographique ?
Et effets sonores
Mais ce n’est pas tout… sur votre home cinéma qui remplacera votre téléviseur, vous verrez désormais aussi des programmes pas du tout conçus pour cette « théâtralisation » ! La météo par exemple, dont on peut comprendre qu’elle n’est pas pour l’instant calibrée en dolby surround et tutti quanti… Et puis, vous verrez en panoramique les images parfois pas toujours agréables des reportages de guerre ou celles des manifestations musclées de corporations insatisfaites que des forces de l’ordre mettent au pas à grand renforts déployés. Va-t-on, pour certaines choses, vers un usage appauvri d’une technologie sophistiquée (pauvre météo) ou, au contraire, vers un renforcement de la spectacularisation pour d’autres contenus, par exemple l’actualité ? En effet, qui peut dire comment les goûts et les couleurs évolueront chez le spectateur en attente d’effets spéciaux, et comment les médias s’y adapteront.
Effets prolongés ?
N’y aura-t-il pas, comme sur internet, une tendance à ne sélectionner –et donc à ne cautionner ou ne crédibiliser- que les seuls contenus qui sauront émerger en termes de technicité ou de qualité esthétique ? On le constate en tout cas dans la consommation des internautes : aujourd’hui, pour être bien classé, un site doit, en plus de l’info texte, offrir de l’image et de la mise en page qui en ajoutent. Une séquence Flash qui bouge, des boutons qui clignotent et du son « qui augmente la comm ». Fournir de l’info fiable ne suffit plus, il faut l’agrémenter d’un visuel convaincant, voire d’une emphase médiatique. Qu’est-ce que le home cinéma éveillera comme gourmandise supplémentaire en termes de langage médiatique ? L’avenir nous le dira. En tout cas, en achetant un home cinéma, vous participez à l’élévation d’un cran du seuil moyen d’équipement des familles. C’est la règle du jeu, dira-t-on…. va-t-on refuser le « progrès » ? Si la chose paraît évidente, il n’en demeure pas moins que ce ne sera pas sans provoquer aussi un écart de plus dans la fracture numérique et partant, dans la production de nouveaux déchets. A l’heure actuelle, en effet, les anciens téléviseurs ne sont toujours pas recyclables. Seule une participation financière de type « Récupel » dans le prix d’achat de votre nouvel appareil permet la prise en charge de la destruction de votre ancien équipement : le plus couramment, sa mise en décharge. Quant à la technologie dont on inonde actuellement le marché, il faut le dire : son bas prix vient du fait qu’on vous livre du standardisé, scellé prêt à l’emploi. Si vous déboursez moins de 800 euros pour un téléviseur, son meuble, le lecteur DVD et le home cinéma, soyons clairs, en cas de panne, le vendeur est sans appel : tout vole à la poubelle. Si vous voulez un vrai cinéma à domicile : pas de combiné bon marché. En la matière, c’est évident, y a pas de miracle. Autant savoir !