Ce qui fait peur à tendance à faire fuir, c’est un réflexe naturel…
Ainsi en est-il encore des nouvelles technologies de réseau dans pas mal
entreprises. Puis, quand on commence à pratiquer cette technologie
émergente, on en apprend toutes les astuces et on s’aperçoit aussi des
bons côtés d’un usage réfléchi. Sûr qu’alors on est amené à revoir son
jugement !
Toute embauche en entreprise qui se respecte s’accompagne de la
réception des attributs de sa fonction : un espace de travail (un
bureau, la plupart du temps… un ordinateur souvent aussi) mais encore
une ligne téléphonique directe, des cartes de visite et une adresse mail
personnalisées. En effet, sauf à exercer une fonction qui ne serait
tournée que vers de la production en interne, l’entreprise aura soin de
doter ses agents des outils de communication susceptibles de favoriser
les interactions avec les partenaires et la clientèle. C’est une
pratique de bon aloi qui investit sur la capacité relationnelle de son
personnel. Celle-ci a d’ailleurs vraisemblablement été un des critères
décisifs au moment de la sélection du candidat : se présenter
correctement, nouer contact aisément, savoir répondre diligemment au
téléphone, avoir la présence d’esprit d’échanger ses cartes de visite…
des attitudes marketing par lesquelles on laisse des traces derrière soi
et qui créent progressivement pour soi-même, mais aussi pour
l’entreprise au sein de laquelle on travaille, une réputation, une image
de marque. Les anglophones parlent, eux, de « branding marketing ».
C’est donc un atout sur son CV.
Si l’accès à ces outils de visibilité et de communication est sources
de valorisation professionnelle, leur mise à disposition n’en provoque
pas moins pour autant une démarche de confiance dans le chef de
l’employeur et de responsabilisation du côté de l’employé. Il faut y
voir une sorte de délégation de l’autorité centrale à l’ensemble de son
personnel pour représenter l’entreprise vis-à-vis de l’extérieur.
Mission de confiance donc qui fait, dans l’instant, que chacun devient
la tête de pont de contacts avec la clientèle au nom de « la maison »
qui vous emploie.
Une fois accordée, cette confiance ne s’embarrasse pas d’une
surveillance de tout instant. Il est inconcevable que la ligne
téléphonique d’un employé soit mise sous écoute pour apprécier sa
capacité à gérer les entretiens qui passeraient par ce canal [1].
De même, quand il contacte ses prospects via l’usage du courrier
électronique, on transpose online la confiance qui lui a été accordée
dès l’instant où il a été en mesure de noircir une feuille à entête de
l’entreprise. C’est à l’usage que l’on mesurera -peut-être- la nécessité
d’attirer son attention sur des manquements, voire des ajustements pour
que sa pratique soit plus performante encore. Il se pourrait même qu’on
l’invite à plus investir dans cette dimension relationnelle qui est
susceptible de déclencher de nouveaux contrats. Car se positionner et
mettre en valeur l’entreprise est un vrai savoir-faire professionnel.
Certains employeurs proposent même parfois, quand la nécessité s’en fait
sentir, des formations pour asseoir plus ces compétences relationnelles
bien appréciables.
Accompagnement ou censure ?
Depuis l’émergence des nouveaux outils de communication en ligne, il
est devenu nécessaire de transposer les savoir-faire traditionnels de la
communication dans leur truchement numérique. La marque de confiance,
doublée de la responsabilisation des membres du personnel, trouve aussi
sa transposition : le courriel professionnel est bien un acte « de
travail » et le surf documentaire en ligne, une extension de la
recherche documentaire traditionnelle ou de la prospection clientèle
d’antan. Pourtant, le caractère nouveau de ces médias et la tendance
d’un certain public à n’y voir que des usages ludiques ont-ils pu
alimenter la suspicion, à tout le moins l’hésitation, aux débuts de
l’émergence en entreprise. Allait-on laisser les employés investiguer
l’usage professionnel du mail ? du surf ? des moteurs de recherche ?
Dans les écoles aussi, la méfiance s’est très tôt installée, sur des
outils jugés sensibles : le chat, wikipédia…
Pourtant, personne n’aurait imaginé qu’un employé détourne la
confiance qu’on lui avait faite d’utiliser le téléphone pour jouer aux
courses ou faire des blagues de mauvais goût. Personne n’avait craint
que l’usage du papier à lettre de l’entreprise n’ouvre la porte à des
canulards de mauvais aloi. Alors… Comment expliquer cette crainte, voire
la censure technique mise en place dans certaines entreprises ? Si ce
n’est par l’hésitation à laisser se mettre en place une pratique
équilibrée au terme d’un temps d’adaptation bien normal ? Quelle
capacité en effet, chez les employés, de s’autoréguler en la matière… ?
Eux qui n’ont pas été sélectionnés sur base de l’observation de ce
critère à l’embauche puisqu’il n’existait pas encore. Eux qui devraient
découvrir des usages professionnels intéressants aux delà des pratiques
ludiques de Monsieur Tout le monde. En seraient-ils capables ?
Les entreprises qui ont sans doute le mieux assumé cette situation
sont celles qui ont investi dans ce défi par de l’accompagnement, de la
formation, plutôt que de miser prioritairement sur la censure et les
techniques de blocage système. Ouvrir les pratiques professionnelles aux
usages performants du net a donné à comprendre aux utilisateurs le
truchement nouveau auquel ils étaient invités.
Le bon sens près de chez… Axa
Le dernier né des outils qui provoque en ce moment la réflexion
entrepreneuriale, c’est l’accès aux réseaux sociaux. Est-il imaginable
de laisser les employés avoir accès durant leurs heures de bureau aux
réseaux sociaux, Facebook, Twitter, LinkedIn ? Mieux : y a-t-il des
intérêts professionnels notoires à investiguer l’usage intelligent de
ces opportunités en ligne ? Il y a là un défi que plusieurs ont commencé
de relever. A titre d’exemple, ce « Guide du bon sens numérique » publié par Axa, et dans lequel on donne « 20 conseils indispensables pour faire preuve de bon sens numérique sur les médias et les réseaux sociaux [2] ».
La société d’assurance a bien perçu le nécessaire truchement induit par
l’évolution médiatique ambiante et a enclenché une démarche de
clarification de l’investissement de confiance qu’elle consent quand
elle délègue sa visibilité aux membres de son personnel.
Loin de diaboliser le net, le guide énonce une série de
comportements réfléchis. Protéger sa vie privée est le cadre général de
cette réflexion. Avant même le souci de l’entreprise, c’est à son
employé qu’Axa pense. Si sa vigilance est en éveil, elle le sera aussi
pour son activité professionnelle. Dès lors, insistance sur le fait de
garder à tout moment conscience que chacun est porte parole de
l’entreprise, avec le devoir de réserve que cela comporte sur certains
sujets, identifier et anticiper les situations pouvant déboucher sur un
dérapage, alimenter une veille sur son image et celle de son entreprise
pour neutraliser toute tentative d’usurpation d’identité de soi ou de
son entreprise… faire preuve de bon sens numérique en activant le
principe de précaution quant à la pérennité des écrits sur le net. Des
principes de la vie courante qui se retrouvent déclinés numériquement
une fois que l’on bascule dans la virtualité du net… un autre pan bien
réel de la vie économique et entrepreneuriale.
Investissement : le retour…
Se comporter en bonne intelligence dans les réseaux sociaux, mieux, y
investir de façon performante est source d’une nouvelle opportunité
communicationnelle pour l’entreprise. On pourrait dire que la chose est
comparable à l’installation d’une succursale dans un zoning d’activités
économiques. On le sait, aujourd’hui de plus en plus de Parcs
d’activités industriels ont l’énorme avantage de pouvoir rassembler sur
un même site, des entreprises susceptibles de partenariats. Certains
offrent même des infrastructures (cafétéria, parking…) ou des services
en commun (navettes, …) qui sont autant d’opportunités d’identification,
de contacts, voire d’échanges très lucratifs. N’en a-t-il pas toujours
été de même à une autre échelle : certains temps informels très ouverts
au relationnel sont perçus comme autant d’occasions de représentations
en clientèle : déjeuners ou dîners d’affaires, participation à des
cercles ou clubs services professionnels, quand ce n’est pas des
invitations à un golf ou dans les loges d’une infrastructure sportive.
La présence professionnelle sur les réseaux sociaux s’apparente donc
de plus en plus à ces investissements relationnels consentis dans le
cadre du travail, avec volonté… ne nous y trompons pas, d’un retour sur
investissement. La chose qui est sans doute nouvelle, et qui impose cet
effort de rigueur de la part de tous et parfois aussi réclame une
véritable formation, c’est le mélange entre vie professionnelle et vie
personnelle, entre les aspects privés et publics de chacune des deux.
Car, de plus en plus, la distinction « privé et public » s’atténue… et
les composantes professionnelle et personnelle de la vie publique se
mélangent ! Fadhila Brahimi [3] parcourt la France entière et inonde le web [4]
également de ses propos éclairés, pour éveiller à cette conscience du
« personnal branding » et de la « réputation numérique des
entreprises ». Selon elle, si cette réalité métissée,
personnelle/professionnelle, privée et publique, crée de nouveaux défis
en matière de gestion responsable, elle offre aussi de nouvelles
opportunités de démultiplication et d’ « empowerment [5] » favorables aux affaires.
Cultiver les intérêts convergents
En fait, exploiter les réseaux sociaux avec des visées
professionnelles, c’est occuper la place, une place virtuelle certes,
mais qui n’en demeure pas moins lieu d’interactions bien réelles. Et ce
n’est pas plus incongru que l’investissement, certes plus décalé, qu’ont
consenti il y a déjà quelques temps, des entreprises qui ont investigué
les retombées d’une présence active dans les espaces de type « Second
live », par avatar interposé. Si la piste s’est avérée bonne à creuser,
même si le retour sur investissement n’est pas encore massivement au
rendez-vous, on peut comprendre et admettre que le positionnement dans
les réseaux sociaux où tout le monde se retrouve en masse, offrira plus
d’opportunités d’interactions encore. La seule recette, c’est d’y
cultiver les intérêts convergents… au niveau professionnel, s’entend !
Mais c’est en tentant l’aventure, et non en y renonçant par excès de
prudence, que chacun des employés d’une entreprise pourra faire la
preuve de sa conscience professionnelle. Car c’est au pied du mur que
l’on attend que le maçon fasse ses preuves… un mur qui, aujourd’hui, se
construit de plus en plus telle une « réalité augmentée ».
On comprend dès lors que, dans ce monde professionnel qui est tout
chamboulé par l’émergence du numérique, les critères à l’embauche ne
s’orientent plus vers la crainte qu’un candidat à l’embauche soit
présent sur Facebook ou Twitter mais, bien au contraire, qu’il n’en soit
pas et qu’il faille tout lui apprendre de ce terrain ludique et
professionnel à la fois !
Michel Berhin
Média Animation
Novembre 2012
[1]
On notera toutefois que des « call center » annoncent parfois à leur
« clients » que l’appel entre leur employé et les clients prospectés par
téléphone est « susceptible » d’être enregistré… Histoire de veiller à une évaluation potentielle de l’attitude « marketing » de leurs employés.
[2] http://www.presse.axafrance.fr/Docu...
[3] http://www.blogpersonalbranding.com...
[4] http://twitter.com/fbrahimi
[5] Renforcement