La raison pour
laquelle il est sans doute important de se soucier des médias et des
technologies dans le monde scolaire, tient au fait que les jeunes (mais aussi
les adultes) en consomment abondamment, s’y alimentent en représentations du
monde et y puisent toutes sortes de structurations de leur pensées et de leurs
actions.
Qu’on le veuille ou
non, et qu’ils le veuillent ou non, les médias éduquent. Et nous,
consommateurs, nous sommes souvent « à leur école ».
Les médias et les
technologies éduquent à la fois par la proposition de produits finis que le
lecteurs consomment, mais aussi par les processus de production que le
médiacteur enclenche quand il se sert des médias comme auteur.
Il est donc
important que l’école accompagne les apprentissages de ces deux savoir-faire,
et des savoir-être qui les accompagnent. Nos jeunes sont né dans un monde de
l’image, bien plus que nous. Ils sont aujourd’hui « numériques » dès
le faire-part qui annonce leur arrivée au monde et la photographie des premiers
instants de leur existence.
Mais suffit-il de
regarder la télé ou le cinéma pour devenir cinéaste. La manipulation d’une
caméra fait-elle de vous un réalisateur ? La capacité de produire de
l’HTML vous autorise-t-elle à vous déclarer webdesigner professionnel ?
Les enseignants qui
ne sont pas de cette génération numérique doivent intégrer cette approche à
titre professionnel, comme ils sont amenés à le faire à titre personnel dans
leur mission de parents, de grands-parents, d’oncles ou de tantes.
Certes, il apparaît
que les jeunes en savent techniquement plus que leurs aînés et qu’ils
développent dans ce domaine plus rapidement leurs compétences. Mais cela ne
doit donner de complexe à personne. Les adultes sont là pour apporter une expérience
complémentaire à la capacité de faire fonctionner les médias et technologies.
Et tant mieux si un brevet vient valider ces savoir-faire. Et peut-être qu’à un
moment donné, il ne sera plus nécessaire de s’en inquiéter, car tout le monde
aura acquis ces apprentissages de base dans l’enseignement du fondamental. Qui
sait ? Mais la partie complémentaire dont l’éducation (parentale et
scolaire) devra toujours s’inquiéter de fournir, c’est ce qu’on appelle
l’Education aux Médias : une approche critique de la littérature
médiatique qui la situe dans un contexte global de communication (relation
producteur-public), dans une gamme de modalités d’expression (typologie), qui
analyse les contenus proposés (représentations) en situant le média dans une
grammaire syntaxique (langage) (1). Ne prendre en compte que les seuls aspects
technologiques, que ce soit en lecture ou en production, c’est sans doute
s’inquiéter de la seule « instrumentation ».
Bruno Devauchelle
le constate : « Une
école qui serait "compensatrice des différences" et
"structurante des apprentissages" semble faire l'accord de nombre de
personnes. Par contre les modalités permettant de parvenir à ces objectifs
semblent très variées et faire peu l'unanimité : un enseignement
spécialisé, une responsabilité spécifique d'une discipline d'enseignement, un
travail d'équipe entre disciplines scolaires, un projet pédagogique au sein de
l'établissement... ».
En Belgique francophone, étant donné l’organisation des réseaux
d’enseignement, il a été fait le choix d’une approche de l’Education aux Médias
comme compétence transversale. La volonté politique était bien que tous les
jeunes, et non seulement ceux qui auraient choisi l’option « Médias »
ou « Technologies », aient un accompagnement et une formation à ces
savoirs, savoir-faire et savoir-être. L’école est-elle, en ce cas,
« compensatrices des différences » (réductrice de la fameuse fracture
numérique)… sans doute dans un premier temps ! Mais on le constatera, ce
n’est pas longtemps l’accès à la console médiatique qui fait problème. On le
sait, la télévision, la console de jeu, l’ordi et Internet, le GSM et
dernier-né, le MP3 sont rapidement acquis même dans les milieux défavorisés.
Mais c’est dans l’usage critique de ces outils médiatiques que ces utilisateurs
débutants (et rapidement performants techniquement) devront être accompagnés.
C’est le rôle de l’école de devenir « structurante des
apprentissages » dans ce domaine nouveau.
A l’instar du Clémi français, et parfois en partenariat avec lui dans
le cadre de projets transfrontaliers, Média Animation accompagne les
enseignants dans leur programme de formation continuée en cours de carrière, de
sorte que le plus grand nombre soit soucieux de cette Education aux Média dont
ils n’avaient jamais entendu parler à l’époque de leur formation initiale (ce
qui est de moins en moins le cas aujourd’hui, fort heureusement).
Le B2I est sans doute un souci légitime d’instrumentation de nos
jeunes, dans une société qui se numérise de plus en plus. L’informatisation des
tâches d’enseignement est sans doute un autre souci, légitime lui aussi,
d’instrumenter les enseignants dans leur tâche professionnelle. Pourquoi en
effet, ne bénéficieraient-ils pas eux aussi des apports des technologies
modernes. Mais l’Education aux Médias s’attaque encore à une autre dimension
des apprentissages. Au delà de l’instrumentation (éducation par
les médias) elle vise à une approche critique des contenus médiatiques et des
processus technologiques, en les resituant dans le contexte global de la
communication ‘Education aux médias).
En cela, je rejoins Bruno Devauchelle dans l’accroche de son
article : « La rénovation et l'élargissement du B2i ne doivent pas faire
oublier une question importante qui traverse souvent les débats sur la place des
TIC en éducation : Former aux Tices à l’école : former à quoi, former
pour quoi ? »
(1) Lire à ce
propos : http://educaumedia.comu.ucl.ac.be/cem/P14.html