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Eduquer au multimédia un beau programme citoyen
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Face à l’intrusion d’Internet, il faut une stratégie de défense de l’individu. Citoyen et consommateur, celui-ci a droit de comprendre dans quel jeu il joue. Cette compréhension et la maîtrise des outils lui permettront de réduire au minimum les risques qui seront toujours là. C’est l’enjeu de l’Education aux Médias.
Les dangers évoqués tout au long de ce dossier touchent l’individu comme consommateur, comme personne morale et comme citoyen. Dès son plus jeune âge, en effet, le surfeur est identifié comme public-cible de toute une série de stratégies commerciales, sexuelles et plus largement sociétales (socio-politico-affectives). Comme destinataire d’un message de communication, chacun doit être en mesure de se situer. Identifier clairement celui qui s’adresse à moi. Décoder ce qu’il me propose et les raisons sous-jacentes, parfois cachées, de cette proposition. Les stratégies de séduction qui sont utilisées et qui peuvent être de l’ordre du contenu, comme de l’emballage, quand ce n’est pas non plus dans le processus lui-même que se trouve l’artifice (irruption incontrôlée d’un écran, demande de réaction dans l’immédiateté, voire délit d’initié par recours aux cookies par exemple), etc. Rien n’est innocent dans la communication. Et quand elle est médiatisée par des professionnels, le média étant parfois le message, il est urgent d’être formé à un décodage lucide.
Le système scolaire a introduit cette problématique d’éducation aux médias depuis quelques années, en invitant certains cours de formation commune à se pencher sur le langage de la communication. Certains autres cursus, à choix optionnel plus souvent, s’intéressent à la publicité comme stratégie communicationnelle et marketing. Mais en dehors de ces contextes disciplinaires un peu particuliers, c’est transversalement toute situation médiatique qui a lieu d’être investie d’une dimension d’Education aux médias, quand elle se présente au détour d’un document pédagogique. Pour dire les choses rapidement : quand un enseignant se sert d’un support médiatique pour « Eduquer par le média », il est invité aujourd’hui à proposer à ses élèves un temps pour « Eduquer au média » dont il se sert. Qu’il s’agisse d’une coupure de presse, d’une émission de radio ou d’un vidéogramme qu’il projette, d’un site Internet qu’il visite ou d’un cédérom… il y a une sorte de « critique des sources » que l’honnêteté intellectuelle et l’éveil à la citoyenneté réclament. Et ce, quel que soit le cours donné.
Qui est ce groupe de presse qui commandite le reportage ou le tournage ? Comment un journaliste travaille-t-il pour obtenir ses renseignements ? Comment un montage peut-il induire telle impression ? Serait-ce le même point de vue défendu si les caméras étaient placées autrement ? Si les questions posées avaient été modifiées ? Si on faisait se suivre les séquences dans un autre ordre ? Ou sur un autre fond musical ? Etc. Des questions banales, en quelque sorte, mais qui rappellent que toute communication est située, et que le destinataire que je suis est logé au creux d’une stratégie dans laquelle il est invité à jouer, consciemment ou non, volontairement ou non, un rôle actif et décisif.
Si le professeur n’aborde pas ces questions, elles lui sont néanmoins de plus en plus souvent servies sur un plateau par des élèves sensibilisés aux médias, par le fait qu’ils ont eu l’occasion, souvent en famille, mais aussi dans les mouvements de jeunesse et au sein d’associations ou mouvements, de « passer derrière la caméra, micro au poing ». Par ailleurs, amateurs d’émissions « making off », ils se posent de plus en plus la question de l’envers du décor, et c’est bien ainsi. Pourtant, concernant les technologies de pointe ou les contenus affectivement chargés, on les voit parfois abandonner tout sens critique et « tomber dans le panneau ». L’éducation aux médias est donc essentielle. Elle doit commencer dès le plus jeune âge et s’adapter au niveau de déconstruction/reconstruction (voir notre encadré) que chacun peut atteindre.
Certes, selon l’âge de nos internautes, on envisagera une stratégie de défense différentiée. On devra sans doute épargner au jeune enfant la vision bien inutile -quand elle n’est pas traumatisante- de toute une série d’images de la vie courante, certes….mais que la maturité aidera à mieux décoder plus tard. Il peut s’agir par exemple de scènes de violences, de pornographie, fussent-elles le pénible aveu d’une actualité bien réelle. Le recours à des logiciels de filtrage fonctionnant sur le principe de la liste blanche (accès autorisé) constitueront certainement les éléments d’un environnement sécurisé pour les bambins. L’intérêt de procéder de la sorte, par l’identification de lieux de communication spécialement réalisés à destination des enfants permettra une plus grande adéquation au seuil d’éveil de ce premier public-cible. Que l’on ne soit toutefois pas dupe : une question se pose d’emblée : quels seront les critères de sélection de cette liste de sites ? Qui en assumera la charge ? Les commerciaux y auront-ils leur place ? Quelles valeurs seront véhiculées dans les contenus proposés ? On pourrait ouvrir ici un vaste débat pareil à celui qui s’enflamma sur les dessins animés japonais ou autres pokémons américains. Cette stratégie faite de protection ne dispense surtout pas les parents d’un accompagnement de leurs chéris ? Car aucun message n’est univoque… et l’effet produit demande toujours à être entendu par un adulte perspicace, lequel sera amené parfois à rectifier les interprétations de l’enfant inexpérimenté. On aurait tort de laisser les représentations se construire à partir des seules évocations véhiculées par les médias. Non, désolé, un poney n’a pas la crinière arc-en-ciel. Il ne s’envole pas dans les nuées… Pas plus qu’il ne parle, d’ailleurs ! Sans ruiner toute poésie, il y a parfois nécessité de recadrer le réel et le fictionnel
Le seuil d’âge de la petite enfance étant dépassé, on pourra progressivement donner accès à plus de choix et éveiller à plus de réflexion critique. Se déjouer des médias en apprenant comment ils sont réalisés est alors une activité qui, sans casser la féerie médiatique, nourrit une exigence de qualité, laquelle renforcera peut-être même le plaisir face aux productions de bon niveau. Certains outils de filtrage fonctionnent alors sur le principe des listes noires (accès interdit). Ces procédés technologiques ne sont cependant pas d’une grande fiabilité. En effet, fonctionnant sur le principe de l’identification d’une série d’adresses à écarter et de mots clés à neutraliser, ils ne peuvent tout écumer et ne sont donc pas en mesure de sécuriser totalement les accès. Face à ces lacunes, des stratégies de dénonciations se mettent en place dans certains pays. D’autres envisagent plutôt la labellisation de contenus. C’est sans compter sur la mauvaise foi de ceux qui voudraient malgré tout tromper le système et qui arrivent sournoisement à leurs fins sans que les outils mis en place ne les décèlent. La vraie éducation, plutôt que de censurer, devrait alors amener progressivement les individus à se forger un avis personnel, sur base d’un esprit critique éveillé et d’une personnalité affirmée en matière citoyenne.
L’Education aux médias doit mettre en place une progression qui balise un véritable apprentissage fait de l’acquisition d’une série de compétences, lesquelles, abordées au niveau de la sensibilisation dès le plus jeune âge, devraient évoluer vers des niveaux de discernement et enfin de maîtrise. Forts de cette formation, les jeunes pourront faire face à la médiatisation de masse galopante dont ils sont la cible, et choisir en connaissance de cause leurs produits de consommation. Partant d’une sélection critique, s’ils ne pourront totalement influencer le marché par l’orientation de leur demande, sans doute seront néanmoins équipés pour écarter les offres qu’ils jugeront déplacées, voire préjudiciables.
Déconstruction-reconstruction : l’envers du décor
Derrière la caméra, le réalisateur dispose d’une série de procédés et
de cadrages pour rendre « sa » vision du réel. Quand un jeune
déconstruit un site Internet ou une présentation cédérom, il s’aperçoit
que le scénariste a opté pour une série d’expressions, mais qu’à chacun
de ces choix, une autre possibilité aurait produit d’autres effets. En
s’essayant à reconstruire autrement le projet de communication, il «
commet » de nouveaux messages. Les émissions « making off » qui
décortiquent le tournage d’un film, la réalisation d’une émission, loin
de briser le charme du produit fini, vous en révèlent parfois toute la
valeur. Prise de conscience alors de ce que « tout » a été tenté pour
satisfaire le spectateur, (un « tout » parfois inimaginable) et que
les effets recherchés ne sont pas toujours aussi innocents qu’il y
paraît.
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