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Déjà vieilles, les Ntics ?


Les technologies évoluant, les usages que nous faisons de ces outils de communication modifient nos rapports interpersonnels. On a pu craindre un moment que plus de virtualité allait tuer les contacts humains. Il semble qu’il n’en soit rien, à l’image de la télévision qui n’a pas tué la vie de famille.. Du moins, là où l’on a appris à s’en servir et où l’on a exploité intelligemment son apport ludique et cognitif.

 

Remontons le temps de quelques années. On se rappellera que les nouvelles technologies faisant leur apparition pour le grand public, on observait alors la mise en place d’une vase communiquant : le monde de l’édition papier cherchait la meilleure voie pour décliner de façon numérique ses contenus labellisés. Internet venait de jeter son dévolu sur l’homme de la rue. Le monde économique espérait dès lors trouver un nouveau marché de diffusion. Pendant plusieurs années, on a d’ailleurs présenté le net comme une vaste bibliothèque. Les questions méthodologiques que cela posait concernaient la recherche de l’info (Quels outils de recherche utiliser ? Comment les faire fonctionner ?) et la fiabilité de ce que l’on trouvait. Et puis, on se demandait combien de temps on nous proposerait ces contenus gratuitement, imaginant bien que le système allait basculer dans une version payante, une fois le client rendu docile et confiant.

Or, ce n’est pas ce qui s’est passé. A côté des grands éditeurs qui publiaient, sont très vite apparus des bidouilleurs qui se sont accaparés les outils de publication. Ce fut l’heure de pointe des « pages perso ». Alors qu’un support de connaissance réclamait d’avoir été sélectionné et validé par un comité de lecture avant d’être incorporé dans une des collections d’une maison d’édition, voilà que d’une autre manière… numérique celle-là, tout le monde devenait capable de publier à compte d’auteur. A la nuance près que les coûts à devoir supporter mettaient véritablement, cette fois, tout le monde sur pied d’égalité et que -la chose est plus délicate- tous les contenus obtenaient dès lors la même capacité de diffusion. Cela voulait-il dire que les auteurs se valaient tous et que toute publication garantissait la validité de ses infos ? Loin s’en faut. Et donc, la question de la validation des contenus s’en trouvait démultiplier. C’est ce qu’on a appelé le web de première génération.

 

Dans son évolution technologique, Internet a rapidement progressé sur cette voie de l’autonomisation de l’utilisateur. Les outils de publication se sont simplifiés, se sont démocratisés. A tel point que l’orientation générale des usages s’en est trouvée modifiée. Après avoir été longtemps (le mot est relatif) des consultants du net, les internautes sont devenus des éditeurs quotidiens. La création d’un site internet réclamait initialement des compétences techniques acquises au terme d’une formation spécifique. Depuis quelques années déjà, après la période des « pages perso », la technologie des « blogs » a mis à la portée de tous, y compris des enfants, la possibilité de publier en un court instant, textes et images sur le Net. Il y a quelques années encore, une institution, une association ou une entreprise passait par les services d’une agence en développement multimédia pour avoir sa vitrine online. Aujourd’hui, les structures de gestion automatique de contenus en ligne (les CMS[1]) rendent cette pratique accessible au grand public. Bien sûr, les contenus publiés ne sont pas de même valeur dans l’un et l’autre cas. Mais l’opposition n’est pas si rude qu’il y paraît à première vue. En effet, si l’internet devait servir uniquement à un public expert, on comprendrait que les techniques de publication soient réservées à des techniciens patentés et que les contenus soient tous à haute valeur ajoutée, labellisés par des maisons d’édition ayant pignon sur rue. C’est ce qui fut à l’époque d’une certaine élite culturelle qui détenait à elle seule les contenus et les modes de publication. Mais à partir du moment où tout se démocratise, à la fois les techniques de production, les contenus publiés… et que les publics utilisateurs se diversifient… ce sont les usages qui s’en trouvent modifiés. Le web connaît alors une véritable mutation. Il devient ce qu’il a tendance à développer encore plus aujourd’hui : un web 2.0. : un lieu d’échange, un marché, un commerce libéralisé. Les échanges sont le fruit d’une démarche de plus en plus spontanée entre des acteurs communs. Ce qui s’échange nourrit des besoins de plus en plus généralistes, et donc de peut-être moins grande valeur ajoutée. Quoique. Car enfin, ce qui fait l’intérêt d’un échange, c’est qu’une personne dispose d’un bien ou d’un service qui pourrait intéresser quelqu’un d’autre. Et que ces deux-là se rencontrent. Que l’on soit chez l’antiquaire ou le brocanteur qui exerce le métier de vide-grenier, l’un et l’autre ont des publics spécifiques pour écouler leurs marchandises.

 

Mais cette logique d’un web 2.0. trouve son complet déploiement quand, non contente d’avoir démocratisé le marché pour que des contenus à haute et moins haute valeur ajoutée soient proposés à la transaction, elle permet à tout individu d’être à la fois vendeur et acquéreur. En effet, la tendance du web 2.0. est bien de fournir aux internautes des espaces d’échanges vides de contenus, pour laisser les transactions (gracieuses ou payantes) s’établir autour de tout objet ou service convoité.

 

Internet n’est plus avant tout, comme on le disait il y a quelques années, une grande bibliothèque, sous entendant par là que ce qui s’y échange, ce sont des livres. Internet, c’est aujourd’hui une agora où des individus en possession de tas de choses (des contenus livresques mais aussi bien d’autres objets) peuvent entrer en négociation avec le monde entier.

 

Si l’on relit le dossier « Nouveaux médias et relations » publiés par les Feuilles familiales en novembre 2000, on sera peut-être dans un premier temps tenté de dire que rien n’a changé : même difficulté d’usage, même fossé intergénérationnel, même emprise du virtuel sur le réel, mêmes dérapages par ignorance et excès de confiance… Et pourtant, nous ne parlons plus aujourd’hui du même internet, ni des mêmes internautes. Les mots clés qui parsèment les articles de presse qui se publient aujourd’hui ne sont plus ceux qui désignent la technologie… La tendance s’énonce désormais au travers d’usages : les réseaux sociaux (Facebook), les outils d’échanges de photos (Flickr, Picasa…), de vidéos (Youtube, Dailymotion), de microblogging (Twitter), d’adresses favorites (Delicious, Digg,…), de fils de publication (Netvibles), de journaux citoyens (Agoravox), etc.

 

Internet mange de plus en plus de temps, certes, mais pour des usages de plus en plus variés et mettant en relation de plus en plus souvent avec des internautes devenus, par le fait des échanges, des voisins, des amis… lesquels constituent une concurrence pour le voisin de palier. Les usages du web 1.0 proposaient essentiellement de rapatrier chez soi des contenus, pour augmenter les rayons de sa bibliothèque personnelle. Le web 2.0 consiste plus volontiers à s’inscrire comme membre dans des bourses d’échange (tout autant d’objets, que d’idées ou de compétences à offrir). Et la dimension commerciale qui n’est pas absente ne se décline pas nécessairement dans un prix à payer par transaction. Le modèle économique le plus développé encore pour l’instant, c’est l’annonce publicitaire qui habille toute page web.

 

S’il fallait chercher une comparaison avec d’autres médias bien en place, on pourrait dire que le net, après s’être cherché du côté d’un écran à consommer, comme l’est plutôt la télévision, a opté pour un usage plus comparable au téléphone où finalité et contenus sont finalement de la responsabilité de l’usager, le commercial se contentant de fournir le service et de taxer son utilisation[2].



[1] CMS : Content Managing System

[2] N’oublions pas que si c’est l’annonceur publicitaire qui paie les frais de son encart, ces coûts sont finalement reportés sur le prix de vente du produit ainsi promotionné.


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