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Concilier en formation
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Quand animateurs et formés n'attendent pas la même chose En stage, à l'école, en session de formation, on est fréquemment confronté à cette tension entre les objectifs que se fixent les formateurs qui savent vers quoi il faudrait aller pour élever l'apprenant et les attentes des formés qui, remplis des besoins de terrain, viennent souvent chercher des réponses précises à des problèmes circonstanciés. Eduquer la personne, toute la personne, sans ignorer ce besoin de "trucs et ficelles" : tout un apprentissage, là aussi, pour le formateur.
Enseignant depuis bientôt vingt ans, je me rappelle que mes cours d'agrégation avaient tôt mis en avant cette confrontation entre deux courants de la pédagogie. Nous les avions stigmatisés, à l'époque sous les dénominations de "pédagogie descendante" et de "pédagogie existentielle". L'une partait du maître qui avait un savoir, une passion souvent, et l'envie de la transmettre. L'autre, de l'élève, du sujet apprenant, de ses besoins... de ses envies à lui aussi ! Difficile de cumuler les deux tendances. Un choix s'imposait donc.
Attentes multiplesDans ma carrière, j'ai rencontré les deux profils. Dire qui avait raison, qui faisait mouche, serait une mauvaise manière de témoigner du terrain. Car celui-ci n'est pas homogène. Les attentes des apprenants sont multiples : le public est diversifié. Et les enseignants sont également un corps hétérogène. Certains ont la fibre du transmetteur, et d'autres pas. Il y a ceux qu'on écouterait pendant des heures, et puis il y a ceux... "qui vous font devenir enseignant pour ne surtout plus faire comme eux, à l'avenir (1)"
Image de profDéformation professionnelle oblige, j'ai toujours été passionné par la représentation que l'on donne des enseignants au cinéma. Qu'il y ait des mouvements de revendication dans l'enseignement, qu'un écran témoin s'impose sur le sujet, et hop... on vous sert "Le maître d'école" avec Coluche, "Le plus beau métier du monde" avec G. Depardieu ou tout autre "Métier de prof" avec Nick Nolte. Sans oublier le phénoménal "Cercle des poètes disparus" avec le non moins célèbre professeur Keating joué par Robin William. Tous illustrent que, dans la tourmente de la vie d'enseignant, il faut oser ce sésame incontournable : "Aimer ses élèves". Pas trop cependant, sinon on court un autre danger. Rappelez-vous cette autre mise à l'écran : "Les risques du métier" avec Jacques Brel ! Alors, pédagogie descendante ou pédagogie existentielle ? Et jusqu'où ?
Selon les circonstancesQuel que soit le film, la caricature cinématographique est un peu trop prononcée. L'analyse du contexte et donc de l'époque, du milieu, des sensibilités en présence, montrera que la problématique n'est pas si duale. Il y a en effet des milieux, des personnes, des moments qui sont propices à la pédagogie de transmission. Parfois même des contenus s'y prêtent merveilleusement. Mais l'on sait que si cela a néanmoins fonctionné pendant des générations, l'heure n'est plus prioritairement à la pédagogie magistrale en situation frontale. Et l'on sait qu'à d'autres moments, avec d'autres personnes, pour d'autres sujets, il faudra, et de plus en plus, partir de l'apprenant et appliquer cette pédagogie dite existentielle, mieux encore dénommée aujourd'hui : constructivisme ou d'auto-socio-construction des savoirs.
Aptitude professionnelle obligeD'expérience, une chose m'apparaît, en tout cas : s'il est vrai que l'on ne fait pas boire une âne qui n'a pas soif (Désolé pour l'âne... mais c'est le proverbe qui le dit !) il est aussi vrai que l'on doit reconnaître à l'enseignant une vision globalisante de la problématique, laquelle échappe souvent à l'apprenant. Cette capacité de mise à distance, fruit d'une formation préalable -n'est pas pédagogue et didacticien qui veut- fait que l'on ne peut laisser les conditions d'apprentissage à la merci du seul désir de l'apprenant (2).
Etre un guide Sans le moins du monde accorder ma voix aux ténors du "ils n'apprennent plus rien" ou encore "ils ne savent plus faire effort", je confirmerai que l'apprentissage demande aussi d'accepter de cheminer au côté de quelqu'un qui est un guide. C'est-à-dire quelqu'un qui sait où on va (du moins vers quoi on chemine) qui est conscient des aléas du parcours et qui, sans nécessairement tout connaître, a une expérience qui devance la mienne et justifie de ma part une confiance. On pourrait même parler d'abandon, si le mot n'était trop chargé affectivement. L'image du guide en montagne s'impose à moi. Et avec elle, cette anecdote vécue par une connaissance, pas plus tard que ces dernières vacances.
A son écoleGrand adolescent passionné de montagne, Mathieu a économisé toute une année pour se payer une course en montagne. Le jour est fixé en fonction de la météo et de la durée du séjour. La course est prévue à deux jours du retour. L'ascension se fera en deux étapes. La première se termine par une nuit en refuge et la seconde, le lendemain dès l'aube, permettra de conquérir les pentes glacées jusqu'au sommet. La première montée se passe sans problème, mais dans la nuit, la météo a brusquement changé, comme elle peut le faire en montagne. Ecoutant les conseils de son guide, Mathieu redescendra le lendemain, sans avoir vu le sommet. Patient jusqu'à l'année prochaine, peut-être... Son budget consommé et sa salive ravalée, courageusement. Apprendre, c'est faire des efforts, c'est pour un temps au moins, poser les pieds dans les pas de celui qui vous précède, c'est être à l'écoute d'autres qui peuvent vous "écoler". Et ce n'est pourtant possible que si l'on est d'abord soi-même désireux d'entreprendre. Mathieu n'a pas "appris" autrement l'envie de la montagne que par une expérience familiale, très tôt léguée, mais dont il s'est fait un héritage personnel, par choix.
Et en formation ?Alors, direz-vous, concilier les attentes des animateurs et des formés en formation ? C'est jongler avec deux balles ! Ou avec plus encore... car les attentes sont multiples de part et d'autres. Et comme pour la jonglerie, elles doivent tour à tour défiler et être prises en main. Pour être à chaque instant relâchée, réorientée… pour faire place à la suivante qui s'impose. D'une poigne plus ou moins ferme, plus ou moins souple... et selon un savoir-faire qui n'est pas improvisé. Former, c'est ouvrir une voie. Apprendre, c'est momentanément s'encorder. C'est, je le pense, inévitable si l'on prétend soi aussi un jour ouvrir de nouvelles voies.
(1) Lors de nos études, assez curieusement, à l'analyse de nos motivations, nous étions deux groupes : ceux qui étaient là pour prolonger l'enseignement inauguré par un maître dont nous prendrions un jour la succession, d'une manière ou d'une autre. Et ceux qui étaient là pour faire à leur tour, et surtout, autre chose que ce qu'ils avaient vu faire par leurs profs ! (2) Je termine la lecture d'un témoignage préfacé par C. Rogers, qui a du avoir son petit succès de librairie à l'époque de sa sortie, en 1971 (Ed. Fleurus,192 pages). Je ne le cite pas de peur qu'on s'y réfère à nouveau ! Mais je ne résiste pas à l'envie de vous partager en encadré ce passage qui campe le décor d'une pédagogie très "Keating". A vous de faire le tri.
Une solution ?
"Notes : les élèves se notent eux-mêmes.
Contrôles écrits : je n'en donne pas
Devoirs : j'en donne, mais peu les font.
Discipline : j'en ai peu, mais je crois avoir exactement la discipline que je désire.
Assistance en classe : les élèves sont libres d'assister ou non à mes classes.
Sujets : nous parlons de ce que les élèves ont envie de parler.
Discussion : Nous essayons d'avoir des discussions ouvertes et libres
et j'essaye d'y participer sur pied d'égalité avec eux, et d'écouter
attentivement, mais je domine souvent le groupe (ndlr : comprenez "avec
regret")
Relations maître-élèves : j'essaye de traiter mes élèves en amis." |
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