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à l'index : une autre manière de pointer du doigt
Un proverbe populaire dit "Quand on montre la lune du doigt,
l'idiot regarde le doigt". Et si la méprise n'était pas
où l'on croit ! L'erreur n'est-elle pas de pointer ? N'y a-t-il pas
un autre principe de savoir-vivre qui dit "On ne montre pas du doigt"
? N'est-ce pas l'identification des chemins interdits qui provoque l'envie
de faire l'école buissonière ?
Dans le cadre du projet Cyber-écoles, un système de filtrage
des accès à Internet a été développé
par la Communauté française. Ce système bloque l'accès
à un certain nombre de sites identifiés en fonction du contenu
préjudiciable (pornographie, nudité provocatrice, violence
extrême, discours de haine, ...). Pourquoi ? L'explication est donnée
par ceux qui la gèrent au quotidien : l'équipe d'Agers, l'administration
générale de l'enseignement et de la recherche scientifique
(1). Ils disent : "L'exploitation d'internet permet une réelle
ouverture sur le monde et une organisation plus autonome du travail en classe.
Si ce nouveau média regorge de sites riches en contenus utiles pour
l'enseignement, des milliers d'autres sites à contenu préjudiciable
et même illicite y pullulent. L'enseignant ne dispose d'aucun moyen
pour éviter l'accès aux images pornographiques ou autres sites
prônant la violence ou le racisme. La Communauté française
a donc estimé nécessaire d'instaurer, faute de solutions plus
adaptées, un système de filtrage des accès à
internet.
Système faillible
L'environnement informatique et les réseaux sont tels que ce procédé
révèle vite ses lacunes. La liste constituée ne peut
avoir la prétention d'être complète. Agers le reconnaît
bien volontiers. De plus, les sites repérés un jour à
tel adresse, sont délocalisé le mois suivant, rendant le relevé
inopérant. La mise à l'écart d'un certain nombre de
mots clés bloque, y compris les sites qui mentionneraient en toute
franchise : "Vous ne trouverez sur ce site aucun message prônant
ou illustrant la pornographie, la violence,la débauche, le racisme,
l'incivisme". Par le simple fait que c'est mot sont présents
dans le texte, ils provoquent la condamnation du site ! Une adresse de type
"flandersexpo.be" n'est pas accessible puisqu'elle mentionne en
enfilade les trois lettres S.E.X. Et le très connu "Brussels
Network of Technology in Education" (2) est noyé parmi des propositions
plus légères, puisque son acronyme est BRUNETTE !
Et moralement contestable
Agers complète : "Seuls sont bloqués les sites présentant
un "danger" immédiat (pornographiques ou incitant à
une extrême violence). Il ne s'agit absolument pas d'une censure politique
ou philosophique qui serait contraire à tous les principes d'une
éducation démocratique et pluraliste." Mais, sans voir
de mauvaise intention là où il n'y en a pas, qui est chargé
de l'appréciation des critères. D'autant qu'il ne s'agit pas,
comme en télévision, d'apposer un code signalétique
laissant le spectateur responsable de ses choix ! Ici, on censure. Ailleurs
aussi. Une jeune société commerciale new-yorkaise iConnect
est en train de finir le portail de la communauté catholique. "Officiellement,
le Vatican ne s'implique pas dans des opérations commerciales, donc
nous n'avons pas l'accord du Saint-Siège. Cependant, le musée
du Vatican nous accorde la licence des reproductions du trésor de
Saint-Pierre et nous fournit les actualités en direct de Rome."
signale Hoyt Webb, directeur financier d'iConnect. Or, le communiqué
complète : " Le plus de ce service est de proposer
un accès filtré, "catholiquement correct" en somme.
Pas d'accès à des sites pornos ou sataniques ni à des
sites au langage ordurier ou de mauvais goût."
Et si l'on éduquait ?
Il ne s'agit bien sûr pas de dire que tout est "citizenly
correct". Mais n'est-ce pas quand l'enseignant est présent en
classe qu'un débat éclairé peut s'amorcer, si des pages
indésirables s'affichent. A charge pour l'adulte présent,
d'éveiller à des comportements responsables et civiques, plutôt
que de laisser le navigateur afficher au moment du téléchargement,
l'adresse IP (des chiffres et non des mots interdits) de la machine hébergeant
le site incriminé que l'élève frappera directement
dans la lucarne d'adressage. En classe, voire seul à domicile, en
l'absence de tout parent pouvant l'accompagner dans une réflexion
éducative. Rien n'empêche de convenir d'une charte des usages
dans les CCM, et d'être compréhensif, sans pour autant laxiste
: proxy de filtrage ou pas, il arrivera toujours que des sites osés
s'affichent. Le comportement responsable étant alors de ne pas se
complaire dans une visite plus approfondie que la homepage de démarrage,
encore fort souvent précédée d'une mention : "Ce
site est réservé à un public de 18 ans et plus".
Ben voilà il y a tout de même moyen de rejoindre le principe
de la signalétique audiovisuel sans pour autant censurer.
[Note]
(1) http://www.agers.cfwb.be
(2) Le réseau des écoles de la ville de
Bruxelles, connectées à l'Internet