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L erreur en informatique


En informatique, l’erreur a même un nom : c’est le « bug » ou « plantage machine »



Responsable du CeFis aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur , Charles Duchâteau partage ici quelques réflexions sur l’erreur dans l’apprentissage utilisant les nouvelles technologies (l’usage des tutoriels et logiciels), et aussi dans le cadre de processus multimédia d’enseignement à distance.


Exp 9 :  Charles Duchâteau, l’erreur en informatique, cela arrive ?

En créant le logiciel, l’homme a produit la chose la plus complexe qu’il ait jamais réalisé depuis qu’il est sorti des cavernes ! Les ordinateurs apparaissent peut-être aux yeux d’un grand nombre comme des machines puissantes, fiables, qui ne se plantent pas. En fait, ce n’est pas vrai, c’est tout le contraire ! L’état normal d’un réseau informatique laissé à lui-même, ou aux mains d’utilisateurs lambda, est de ne pas marcher ou de poser des problèmes ! Il faut bien le savoir. Tout autre état demande des soins attentifs de la part d’un « expert ». Là où il y a 20 personnes qui utilisent des ordinateurs, s’il n’y a pas au milieu d’eux une 21ième qui a comme charge unique pratiquement de faire en sorte que ça continue de marcher, eh bien c’est cuit !
D’ailleurs, le monde des technologies est un monde où l’erreur est même tellement présente que l’on a inventé un mot pour la désigner –et peut-être pour se dédouaner- : le « bug ».

Exp 9 :  Les erreurs informatiques font-elles bon ménage avec les apprentissages ?

En fait, un ordinateur ce n’est après tout qu’une gigantesque calculatrice qui traite des nombres… Et elle ne calcule pas faux. L’ordinateur ne se trompe donc pas, même s’il arrive qu’un programmeur le fasse s’égarer. L’erreur est évidemment du côté du programmeur. Il arrive en fait, que les indications qu’on donne à la machine sur le traitement à faire soient inadéquates. On croit lui demander telle chose et ce n’est pas cela qui se passe, car on a, en réalité, demandé autre chose....

Exp 9 : Le programmeur, apprend-t-il de ses erreurs ?

Du point de vue de la programmation, un programme informatique, c’est quoi : le reflet de sa propre pensée en acte. L’informatique, c’est ce domaine magnifique où l’on voit ce qu’on a pensé agir à travers une machine qui exécute. Bien évidemment, on ne fait pas des erreurs en le sachant, mais quand elle se produit; on se dit « chouette, je me suis encore gouré, qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour arriver à ça ? ».  On est alors en recherche sur sa propre pensée, un des trucs les plus passionnants. L’informatique est un domaine où l’erreur est omniprésente et stimulante… un vrai plaisir.
Mais du point de vue de celui qui l’utilise, avoir des logiciels buggés, c’est tout le contraire du plaisir… « Mince alors, ma machine ne fait pas aujourd’hui ce qu’elle faisait hier ! ». Et cela conduit n’importe qui à des comportements magiques. Moi-même, il y a dix minutes. Je ne retrouvais plus une pièce attachée à un e-mail. En désespoir de cause, qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai clôturé la session, j’ai fermé la machine, Et à la relance, la pièce attachée était de nouveau là ! C’est un comportement complètement absurde… C’est vraiment de l’abracadabra ! Mais cela fait partie de la culture d’un utilisateur informatique averti : on quitte parfois l’univers du rationnel et on débouche dans des trucs fous. On se dit : « Si je le fais c’est absurde, mais cela risque tout de même d’aller mieux ! » Et ça se passe ! C’est vraiment un univers qui est tout sauf parfaitement rationnel… tellement la couche de logiciels est épaisse…

Exp 9 : Et quand on se sert des technologies pour enseigner, comment va-t-on au devant des erreurs de l’apprenant ? Comment les intègre-t-on dans son scénario pédagogique ?

Programmer, c’est en fait la gestion à l'avance d’un dialogue entre un utilisateur et une machine, en n’ayant prise que sur l’un des deux, l'ordinateur. C’est une démarche complexe qui fait aujourd'hui l'objet d'un domaine d'étude particulièrement actif, celui des interfaces homme-machine.

Exp 9 : Le programmeur ne doit-il pas finalement se préfigurer toutes les erreurs que l’apprenant risque de provoquer et tenter d’y apporter préalablement une réponse ?

C’est évidemment impossible d’imaginer tout ce que l’utilisateur va répondre à des injonctions et donc produire comme comportement-réaction. C’est ce que tentent pourtant de faire les concepteurs de tutoriels. Personnellement, je n’y ai jamais cru et je n’y crois toujours pas ! Les situations d’apprentissage via les technologies ne marchent que quand on les conçoit comme une mise à disposition d’un ensemble de ressources pour travailler. La machine, ce n’est que ça. Il ne s’agit pas de créer un interlocuteur faussement humain qui entretiendrait un discours avec l’utilisateur supposé apprendre. Des exemples ? Elmo, Logo, Cabri géomètre… et d’autres ! Ce sont des produits ressources. Pas des tutoriaux.
Dans l’enseignement à distance on parle aussi de tuteurs, mais ce ne sont en rien des artifices techniques, ce sont des humains. La machine n’est jamais qu’un canal pour permettre l’apprentissage à distance, pourvoyeuse d’informations, pourvoyeuse de situations-problème pensées par des pédagogues. Outils de communication, outils pour donner  des feed-back.  Là il y a eu un progrès par rapport à ce qu’on pensait il y a 20 ans en rêvant d’enseignement assisté par ordinateur, quand on croyait un peu naïvement que l’on pourrait mettre les élèves devant la machine et qu’ils apprendraient le principe d’Archimède en liaison avec une machine singeant un prof.

Exp 9 : Pourrait-on dire que le tutoriel est à l’enseignement magistral, ce que la mise à disposition de ressources  est à la mise en situation problème ?

Dans l’enseignement magistral comme dans les tentatives de mise en place de tutoriaux, on donne les consignes, on donne le contenu et on répond à toutes les questions avant même qu’elles ne soient posées. C’est non productif… Prenons le cas de notre principe d’Archimède. Concevoir un tutoriel à son sujet c'est écrire dans le détail le scénario d'intervention pour "quelqu'un" qui ne connaît rien en physique, qui n'a aucune idée de ce qu'est enseigner et qui, parlant le français, va devoir donner cours à des élèves portugais... en portugais évidemment. Comme programmeur de cette séquence, je devrais écrire à l'avance un dialogue entre la machine et l’apprenant portugais, que j'encode toutes les réponses possibles à toutes les questions imaginables… en portugais, et ce pour apprendre un principe de physique. Un  tutoriel, c’est ca. Et donc, ça n’a aucune chance de réussir, sauf si les réponses attendues sont du genre : « Biffer la mention inutile ».  Et là, à la limite, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain… si on veut bien cantonner la machine dans ce rôle assez bête de répétiteur (la machine ne se lasse jamais, elle fait preuve d’une patience exemplaire…) utilisons là pour cet aspect « répétiteur infatigable » et ne crachons pas sur tout cet aspect des apprentissages où l’on dit : « La répétition est la mère de l’enseignement ». Comme exerciseur servile, la machine est vraiment bien à sa place.

Exp 9 : Faisons-nous un instant l’avocat du Diable : Certains apprennent tout de même via des tutoriels, non ? Le permis de conduire théorique sur CD-Rom, ca marche tout de même ?

Oui, mais cela ne remplacera jamais la présence humaine Revenons un instant à ma métaphore : faire apprendre un principe de physique via une machine qui parle le langage binaire ! C’est bien de cela qu’il s’agit. Dans certains domaines déjà particulièrement formalisés (le code de la route en est un, puisqu’à toute une série de situations-problème il y a une et une seule bonne réponse : c’est comme çi ou comme ça, on peut ou on ne peut pas), l’apprentissage se prête à cet type d’encodage machine… Mais il y a tellement mieux à faire faire aux ordinateurs, pour aider celui qui est en face de l’écran. Quand il apprend dans de vraies situations-problème ce serait regrettable de n’envisager rien d’autre qu’une machine qui singerait un enseignant. C’est pas ça, l’enseignement assisté par l’ordinateur.


Les technologies, ce sont des outils d’interactivité entre des personnes humaines (enseignants, tuteurs, apprenants…). Dans ce contexte, si quelqu’un est devant une erreur et ne s’en sort pas  et qu’il peut avoir dans l’instant une interaction rapide, alors oui, on est dans l’apport technologique intéressant… y compris avec un simple téléphone… Technologie ne veut pas dire nécessairement le dernier cri de la sophistication ! Mais si et seulement si, à l’autre bout, il y a un humain qui est prêt à réagir. En enseignement à distance, au CeFIS, notre stratégie comporte toujours des permanences téléphoniques et un prof au bout du câble. Rien ne remplace l’humain. L’enseignement à distance, si on y met assez d’humain, peut être performant en matière d’apprentissages « just in time », avec même une plus value de collaboration (échange via forum, courriel…). Mais c’est coûteux en matière de ressources humaines, si on veut que l’enseignement à distance mérite son nom. Si ce n’en est qu’une caricature, la simple mise en ligne d’un syllabus en version téléchargeable, alors arrêtons de suite. Là, nous serions dans l’erreur !
 

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